Jazz à l'âme

Panorama / L’insubmersible Grenoble Jazz Festival, du haut de sa 38e édition, propose toujours un panorama aussi vivifiant de sa musique de prédilection, tout en s’interrogeant sur la meilleure façon de le mettre en valeur. François Cau

La seule pérennité exceptionnelle de l’événement tend à valider son présupposé de départ. Oui, il y a un public pour cette esthétique musicale, il y en a même plusieurs. Autant qu’il existe de ramifications à cette galaxie sonore complexe – c’est dire. Cependant, la question violemment lancinante que n’a de cesse de se poser le directeur du Grenoble Jazz Festival, le bouillonnant Jacques Panisset, reste peu ou prou la même : comment dépasser l’image d’Epinal contemporaine d’une musique souffrant aujourd’hui encore de sa récupération par les gardiens du temple culturel ? Comment convaincre les rétifs et les moins curieux de la chose artistique que non, le jazz n’est pas une musique réservée à une élite empingouinée, achetant des billets à prix d’or pour aller applaudir du bout des doigts des musiciens rejouant les mêmes accords dans les mêmes salles dispendieuses ? Comment arriver à cet instant chéri, où après s’être pris des émotions musicales dans la face pendant plus d’une heure, le novice s’exclame « Merde, c’est ça le jazz ?!? » ?En scrutant les mutations
L’une des caractéristiques du festival est indéniablement de rester alerte à toutes les acceptions, aussi fécondes soient-elles, de la musique jazz. Tout en sachant qu’elles peuvent se nicher dans les endroits les plus improbables… Aussi, cette année, on pourra notamment entendre la sublime Mieko Miyazaki, virtuose du koto (instrument traditionnel nippon) qui jouera en solo puis en compagnie du contrebassiste Michel Benita, l’impressionnant accordéoniste finlandais Veli Kujala, ou encore se manger en pleine poire les circonvolutions sous haute influence post-rock du trio Lunatic Toys. Sans oublier les recherches de haute volée d’Ernst Reijseger, déjà passé à Grenoble dans le cadre des 38e Rugissants avec son imposant Requiem for a Dying Planet, ou encore les explorations des racines mandingues du grand Salif Keita. En investissant l’espace public
L’argument revient souvent dans la bouche des organisateurs locaux d’événements culturels : pour que la fête artistique soit totale, il faut que les rues vibrent au rythme de la manifestation, tout simplement pour que personne ne se sente a priori exclu… Prenant acte de ce postulat irréfutable, la programmation du Grenoble Jazz Festival propose cette année pas moins de cinq spectacles déambulatoires croisant les esthétiques à tout va : l’Imperial Kikiristan, Les Défrichés, La Mécanique des Fluides, la nouvelle création de la compagnie La Batook, ou enfin La Touffe. Ce dernier événement à l’intitulé évocateur pousse le vice jusqu’à faire participer n’importe quel volontaire à un projet in situ de “fanfare interactive pour non-musiciens“, 60 à 80 personnes étant invitées à habiller les rues grenobloises en musique. En croisant les disciplines
Outre les immixtions avec le cinéma proposées par Stéphane Plotto et Médéric Collignon évoquées ci-contre, le Grenoble Jazz Festival nous amène sur un plateau des propositions ludiques, osant s’accaparer la liberté inhérente au jazz pour la tirer vers les chemins de l’humour. Avec le duo composé de Catherine Delaunay et Pascal Van Den Heuvel, qui, avec Le Chien déguisé en vache, s’offrent des fantaisies instantanées à haute teneur jubilatoire ; tout comme les musiciens du Trio Grande, qui donnent furieusement de leur personne lors de leurs représentations ; il serait ensuite criminel de ne pas évoquer les délires juvéniles du duo danois de Little Red Suitcase... Jean-Marie Machado, de son côté, rendra hommage à la gouaille de Boby Lapointe pour sa Fête à Boby, tour de chant concocté avec son complice André Minvielle. Autre invitée inattendue de l’événement, la bande dessinée sera à l’honneur avec la création Little Nemo, imaginée par le Stephan Oliva & François Raulin Quintet autour de la fameuse œuvre de Winsor McKay. Autant de propositions qui donnent une réponse presque cinglante à la question posée plus tôt : oui, c’est aussi ça le jazz. Grenoble Jazz Festival
Du 16 mars au 3 avril, lieux divers

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