La danse dévoile

Les quatre silhouettes alignées, les danseurs, arborent masques et vestes bleues identiques. Ils font face aux deux musiciens cerclés de multiples instruments venus des quatre coins de la planète : Gildas Etevenard et Akosh Szelevényi. SD

Les 6 interprètes semblent protégés par leurs armures, et prêts à se lancer dans un rituel, vision installant d’emblée une tension. Derrière eux, des voiles couleur vert d’eau, fixés à de légers bambous, coulent sur un espace immaculé, évocation d’un tatami, d’un lieu de combat, d’un lieu solennel. La petite trompe de soldats frappe au sol, et enclenche la musique. Les danseurs se détachent de la ligne et continuent dans une gestuelle presque robotique, désarticulée mêlée de mouvements évoquant les arts martiaux, sans jamais vraiment s’installer non plus dans ces esthétiques japonisantes et traditionnelles. On découvre le visages des danseurs Smaïn Boucetta, Li-Li Cheng, Sylvie Guillermin et Rémi Esterle : les masques s’ôtent. Le groupe se débarrasse d’une première couche rigide, amorçant du coup la conquête de son individualité. Première libération qui se joue sur la musique à la pulsation enlevée, entraînante, relevant de la transe, des multi instrumentistes hyper talentueux jouant aussi bien de la clarinette basse, des saxophones dans des élans de free jazz, des percussions asiatiques (gong, cloches), que des instruments traditionnels hongrois...Conte de printempsLes danseurs se posent enfin dans des figures brisant les mouvements préalablement éprouvés. Le groupe se délite. Certains sortent. Rémi Esterle se lance dans un solo autant électrisant que torturé, et tissé au son suraigu et aux harmoniques du saxophone soprano. Sa main, frénétique, frotte continuellement sa tête, comme si elle cherchait à repousser un mal, une douleur invisible. D’autres oripeaux viendront figer les postures du groupe, comme cette sorte de faux ventre fixant les danseurs dans une posture de sumo. Il leur faudra un temps avant de se séparer, de se libérer de cet objet, après s’en être nourri. À cette phase tendue, la douceur, les mouvements plus ronds, proche du taï chi font suite et racontent en duos, solos, ou encore en groupe, l’écoute, le soutien, le regard d’empathie posé sur l’autre. En se débarrassant de l’uniformité, un contrechamps possible, s’articule à la solitude. L’espace est occupé différemment aussi, comme si les frontières se repoussaient à l’intérieur, comme à l’extérieur. Comme toi et moi est une magnifique proposition à la fois émouvante, drôle par endroits, mais toujours fascinante par la beauté et la réalisation des gestes - ces derniers nous traversent et s’impriment comme des poèmes ; Comme toi et moi parle d’un collectif accueillant l’autre, l’écoutant sans jamais l’envahir. Le haïku s’achève sur une dernière image : quand la légère brise soulève les voiles, elle annonce un vent libérateur transformant la danse en fièvre, en pulsion de vie.Comme toi et moi les 27, 28 et 29 mars, à la Salle de Création de la MC2

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