"Laïka" : chienne de vie

Laïka

L'Ilyade

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Théâtre / David Murgia. Il est des comédiens comme celui-ci que l'on suivrait n'importe où. Pour leur talent bien sûr, mais aussi parce qu'ils ont toujours quelque chose à nous dire de ce monde malade. "Laïka" en est une nouvelle preuve, à découvrir lundi 25 mars à l’Ilyade de Seyssinet-Pariset.

À peine étions-nous assis dans cette patinoire (lieu phare du off du Festival d’Avignon) qu'il s'est mis à parler, parler et parler encore. Comme une victime d'accident déviderait tout ce qui vient de se dérouler sous ses yeux ahuris. David Murgia n'a pas cet état de sidération, il est même étonnamment tranquille. Il est habité par cette nécessité de livrer, à toute allure, sans jamais faire riper sa diction, ses récits ; et de faire ainsi exister celles et ceux qu'on voit peu, celles et ceux que la société laisse dans un coin, au bord des rues ou dans l'isolement bien pratique de leur habitat – lorsqu'ils en ont un.

Voici que le comédien raconte à un ami ce qu'il vient de raconter à des copains éphémères de bistrot : la vie de travailleurs pauvres, de malades d’Alzheimer ou d'une prostituée. Il n'y a rien de cafardeux dans l'heure quinze passée avec eux : dans ce texte, l’auteur italien Ascanio Celestini a la politesse d'aimer ses personnages sans les stigmatiser ni les "héroïser". Être en bas de l'échelle sociale (le principe de classes existe toujours, n'en déplaise à celles et ceux qui se tiennent tout en haut de la pyramide) n'est pas qu'une longue plainte. L'aplomb de la prostituée est à cet égard éclairant lorsqu'elle affirme, via David Murgia, qu'elle n'a pas de morale mais une éthique. CQFD.

En l'air et contre tout

Debout, au milieu des cageots, l'acteur déambule, son acolyte à l'accordéon installé en fond de scène. Et il dévoile ainsi le pendant ouvrier de Discours à la nation, pièce (présenté en 2016 à l’Ilyade) déjà menée avec Celestini dans laquelle il portait la parole du patronat, de façon fatalement plus acide. Telle la mécanisation des emplois dont il parle, sa parole se fait presque automatique quand il décrit la réalité du travail de manutentionnaire : porter des caisses, petites ou grandes, mais pas nécessairement proportionnellement lourdes – « ça dépend du contenu ». Murgia parvient à rendre à la fois l'humanité de ses personnages et la déshumanisation à laquelle ils sont circonscrits, ou pire, leur négation ; Dieu, convoqué avec habileté comme une croyance populaire parmi d'autres, les ignore.

Dans ce spectacle modeste et brillant, au milieu de personnages émiettés, s'insère alors un petit chien qui, le 3 novembre 1957, envoyé par les Russes dans l'espace, fut « l'être vivant le plus proche de Dieu ». Laïka ? « C'est un chien de rue, pas un chien de bourgeois qui a la trouille » clame Murgia, sans pour autant vouloir prendre une revanche ni accuser.

Laïka
À l’Ilyade (Seyssinet-Pariset) lundi 25 mars à 20h30

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