Maison d'antan et arnaque d'aujourd'hui

Face à un spectacle atterrant, il y a au moins deux possibilités : se taire au prétexte que le silence est le plus grand des mépris ou à l’inverse soulager le besoin de pousser une gueulante au risque de promouvoir un « truc » qu’on espère voir sombrer dans un anonymat aussi abyssal que sa bêtise. Ce blog ayant une audience très modérée, voilà qui achève de faire pencher la balance vers la deuxième option.

Si Oskar Gómez Mata souhaitait rendre hommage à R.L Stevenson en portant une de ses histoires sur la scène, c’est plus que raté. La Maison d’Antan, fable aussi cruelle que courte, aurait pourtant pu produire un spectacle intéressant, avec cette histoire dont le début n’est pas sans rappeler l’Allégorie de la caverne, thème incontournable du cours de philo en classe de Terminale.

Mais tel qu’Oskar Gómez Mata la traite (on ne peut décemment pas parler de mise en scène), on assiste à un véritable fouttage de gueule. Sur le plateau vide et de surcroît moche – l’absence de rideau en fond de scène laisse apparaître tuyauteries, portes et autres incongruités visuelles – trois comédiens débarquent pour réciter en alternance ou à l’unisson la fable de Stevenson. Ensemble vocal de bien mauvais goût car non seulement l’histoire est dite plutôt que jouée, mais le peu de comédie qui est offert au public consiste en des mimiques qui paraîtraient amusantes sur le plateau du Djamel Comedy Club ou d’un autre Comedy Show mais qui inspire ici la consternation.

Contre-emploi d’autant plus maladroit que le traitement guignolesque d’un texte qui n’a rien de comique fait passer les comédiens pour de vrais petits cons, ni plus ni moins. La fumisterie atteint son paroxysme avec la projection d’un portrait qui fait l’objet d’un gros gribouillage et qui disparaît une fois que les comédiens ont fini de faire mumuse avec le système de rétroprojection.

Bravo les décideurs !

Bon, ce n’est pas la première fois qu’on assiste à de la bouse hautement subventionnée, mais la partie la plus intéressante réside probablement dans le talent que doit avoir Oskar Gómez Mata pour berner les technocrates en charge des affaires culturelles et autres financeurs de cette daube : l’élaboration d’un partenariat avec des bahuts de chaque ville où le spectacle sera représenté pour donner de la caution intellectuelle au projet. On voit d’ici figurer sur le dossier de financement les termes dont les élus adorent se gargariser : projet collectif, mobilisation des ressources et implication de la jeunesse, passerelles entre le monde scolaire et celui du théâtre contemporain, bla bla bla.

Bon ok c’est médisant, mais quand on voit des ados d’abord employés pour dire à tour de rôle des morceaux de phrases qui commencent tous par « je m’appelle Jack » et qui se poursuivent avec des messages hautement philosophiques du genre « et j’veux savoir si je dois aller à gauche ou à droite », puis pour chanter (de très loin les seuls passages acceptables du spectacle) et enfin pour jouer au Mikado géant et hisser le résultat de ce jeu à 3 mètres au dessus du sol pour clore le spectacle sur un « hourra » pas très spontané, on est tout au mieux perplexe. Dommage qu’entre-temps le public assiste au lancement d’un texte a priori intéressant dans le caniveau du théâtre contemporain. Plus que dommage même : pathétique.

La Maison d’Antan

D’après R. Louis Stevenson

Conception & mise en scène Oskar Gómez Mata – Cie L’Alakran

Photo : Nico Baixas

Vu à l’Hexagone - scène nationale de Meylan – le 28/11/13

D’autres critiques de spectacles vivants (mais pas que…) disponibles sur le blog

danslateteduspectateur.fr

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter