Mon après midi au tribunal

Maire-président de métropole et sa cheffe de cabinet, ils saisissent la justice et succèdent, devant les juges, à des enfants perdus. On se demande ce qu'en penserait Prévert, celui qui a habillé de poésie la misère quotidienne.

Il y a les contraventions, les délits et les crimes, les premiers relèvent du tribunal de police, les seconds du tribunal correctionnel et les troisième de la cour d'assises. Ce jour-là, Le postillon, journal satirique et indépendant de la cuvette grenobloise nous a invité au tribunal correctionnel devant lequel le trainent le maire de Pont de Claix - président de la Métro et sa cheffe de cabinet. L'objet du délit ? Un article paru en décembre s'appuyant sur les témoignages forcément anonymes puisque les fonctionnaires mettent gravement en jeu leur matricule s'ils s'expriment publiquement pour dénigrer (ou, d'ailleurs, pour louer, mais qui songerait à leur en faire grief ? ) la personne et la politique de leur maire-employeur. Or, le maire de Pont de Claix et sa cheffe de cabinet se disent « injuriés » et « diffamés » pour être, au cours de ces entretiens, qualifiés l'un de « tyran », l'autre de « folle perverse ». L'ouverture de la session est prévue pour 13h30, Le postillon convoqué à 15h, et c'est finalement à 17h que les avocats des deux parties pourront déployer leur batterie d'arguments …

En attendant, vue du banc...

Les quatre hommes qui sont introduits par quatre policiers avec gilet pare-balles, auxquels se joindront trois gendarmes, ont moins de 25 ans, deux sont mariés avec enfants en bas-âge, tous travaillent, en intérim essentiellement : tous consomment ( et ...? ) de la résine de canabis, de la cocaïne, de l'héroïne : c'est un délit ; un seul n'a pas connu la prison. Celui qui suit a volé, chapardé, trafiqué, sa dernière victime est dans la salle, qui réclame 15 000 euros de dommage et intérêts, preuves à l'appui... comme les coudes du « prévenu », sur la rambarde, à qui la présidente demande : « tenez-vous correctement s'il vous plait, monsieur ». Un autre suit, il a des menottes, qu'on lui enlève ostensiblement ; la liste de ses méfaits est longue comme un jour sans pain, ça a l'air de le connaître ; finie la traque, il sait qu'il est la cible, et qu'on ne va pas le rater. Tous ont un avocat, chacun le sien, pas beaucoup plus âgé, et de part et d'autre de la barrière, les tee-shirts bariolés ou le jogging blanc tranchent avec la longue robe noire bordée d'hermine, sans parler de la « gueule de classe » : les uns et les autres n'ont manifestement pas grandi dans les mêmes parcs. C'est sans avocat que le dernier avant ceux du Postillon fait son entrée dans ce que, au cinéma, on appelle le boxe des accusés. Il a décidé de répondre lui-même aux questions : la sacoche avec un flingue armé de dix cartouches ? on la lui a confiée, il ne savait pas ce qu'il y avait dedans ; d'ailleurs, la coc. et le canabis étaient dans la sacoche aussi, comme la balance de précision.. . et s'il a servi un autre version au moment de sa garde à vue, c'est qu'il pensait qu'elle le desservirait moins, mais la vérité … la vérité c'est que ce grand gamin qui finira par écoper de deux ans ferme compte tenu de ses antécédents ( et il en a un paquet ! ) est perdu d'abord pour lui avant de l'être pour la société. Et quand le grand moment arrive, celui qu'on attendait, celui du procès que le maire de Pont de Claix, président de la Métropole et sa cheffe de cabinet font au journal satirique le Postillon, s'installe comme une envie de vomir : on a vu défiler pendant quelques heures des tranches du malheur humain et pour quel « malheur » deux nantis viennent -t-ils demander réparation à une justice qui se rend au nom du peuple français ? J'ai honte...

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