Kah à part

Âgé d’à peine 25 ans, Christopher Kah ne devrait pas tarder à rejoindre le club restreint des valeurs sûres de la scène électro/techno hexagonale, aux côtés de pointures comme The Hacker ou Vitalic. Il faut dire que son premier opus, sorti il y a peu sur Axess Code, frappe très fort d’entrée de jeu, oscillant entre rythmiques aussi hypnotiques qu’implacables et ambiances sombres et futuristes à forte teneur en émotion. Damien Grimbert

A wonderful darkworld, deuxième plage de l’album du même nom, place d’emblée la barre très haut. Nappes de synthés envoûtantes et mélancoliques toutes droit sorties d’une B.O. de John Carpenter, ligne de basse accrocheuse, voix glaciales sobrement vocodées, rythmiques toutes droit sorties de la rave culture, et bleeps aciiiid “old school” se combinent à la perfection pour une monstrueuse montée en puissance, comme on en avait peu entendues depuis les premiers maxis de Vitalic (seuls points d‘orgue de son par ailleurs assez décevant OK Cowboy, sorti il y a quelques mois). Et le reste de l’album ne déçoit pas, oscillant entre sombres ballades synthétiques et planantes (le très beau Synapse, sur lequel on découvre aux vocaux la mystérieuse Miss K.), revival électro (Camille ist tot, superbe hommage à la cold-wave), et hymnes dancefloor minimalistes. Un premier jet d’une grande diversité donc, mais dont se dégagent quelques constantes qui sont autant de points forts : une grosse efficacité, fondamentalement techno, un goût pour les atmosphères dark et froides chères aux années 80, et un sens de la mélodie affirmé qui n’est pas sans rappeler les parrains de la scène de Détroit.Le chant des machinesMais c’est avant tout par ses ambiances musicales, sans concession et hautement cinématiques que Christopher Kah tire son épingle du jeu. Volontiers crépusculaires, elles placent l’auditeur dans un univers sonore à la beauté glacée, qui constituerait la bande–son parfaite d’un polar cyberpunk déshumanisé. Cette force d’évocation, trop souvent absente de la musique électronique, combiné au caractère franchement dancefloor de la plupart des morceaux, donne à l’album toute sa singularité, et témoigne d’une maturité musicale surprenante pour un aussi jeune artiste. Car si A wonderful darkworld se place logiquement dans la continuité des travaux d’artistes comme Terence Fixmer, Millimetric, David Carretta, ou The Hacker, Christopher Kah appartient pourtant à une autre génération, bercée aux sonorités des premiers BPM francophones plutôt qu’aux mélodies new wave. Ainsi, alors que les premiers ont tenté de retransmettre par l’électro les sensations éprouvées à l’écoute des disques de leur jeunesse, lui est au contraire parti à la recherche d’univers jusque là méconnus, pour en enrichir ses premières expériences électroniques.Search & DestroySes premiers amours oscillent en effet entre le hardcore brut de décoffrage de Laurent Ho ou Liza’n’Eliaz, et la trance d’artistes comme Torgull ou Total Eclipse, des influences toujours revendiquées qu’il a néanmoins progressivement panachées avec ses découvertes musicales ultérieures, du minimaliste son de Detroit, au travail d’artistes majeurs comme Laurent Garnier ou Richie Hawtin, en passant par toute la nouvelle vague électro précédemment citée. Après dix années de pratiques intensives de l’orgue (de 10 à 20 ans), il fait ses débuts en tant que DJ et organisateur se soirées au sein du collectif strasbourgeois Les Gaulois, dans lequel on retrouve également ses acolytes Franck Wolf et Miss K, uniques invités sur l’album aux côtés de Communication Zéro. Progressivement, il s’initie au travail de production et commence à tâter des machines, tout en gardant une certaine défiance vis-à-vis du support («music made with machines, not by machines» peut on lire sur le CD). Une première démo, Search & Destroy, sous les bras, il rentre progressivement en contact avec les activistes montpelliérains d’Axess Code, qui lui proposent au final de sortir son premier album pour succéder à l’excellent Entre Deux Mondes, opus drum’n’bass/électro-indus du grenoblois Kub, sur le catalogue du label. En parallèle, il s’offre également le luxe d’un premier maxi, Natural Born Killer, sur le classieux label Planète Rouge de Terence Fixmer. Deux références conjointes qui vont recevoir un même éloge critique dans les médias spécialisés, et ont de bonnes chances d’entraîner l’artiste dans une pratique assidue du live, discipline jusqu’alors plutôt occultée, mais dans laquelle il a toutes les chances de briller, du moins à en croire l’échantillon convaincant qui clôture l’album (Mélodie en La Bémol Majeur). On ne peut dans tous les cas que vous inviter à assister à celui qui constituera sans doute le point d’orgue de la dernière soirée Electro-choc de la saison (ce samedi au Georges V, après un before au Mark XIII), aux côtés de celui de Corps Etranger (side-project EBM de Communication Zéro) et du DJ set de l’incontournable The Hacker.Christopher Kahle 24 juin au George V Album : “A wonderful Darkworld” (Axess Code)

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