Huston, le survivant

L’Institut Lumière retrace jusqu’à la fin du mois la longue carrière de John Huston. Où l’on découvre un cinéaste qui a su résister à tous les bouleversements hollywoodiens. CC

Mal aimé par une partie de la critique française, John Huston est pourtant au sens strict du terme un auteur de films, signant lui-même la plupart de ses scénarios et choisissant des projets qui lui sont chers, notamment dans la toute dernière partie de sa carrière. Pourtant, la filmographie du cinéaste traduit un certain éclectisme. En fait, Huston s’adapte aux circonstances et aux mutations de l’industrie cinématographique. Pendant l’âge d’or des studios, il se spécialise dans le film noir et signe quelques classiques du genre : "Le Trésor de la Sierra Madre", "Le Faucon maltais", "Key Largo" et "Quand la ville dort". Les personnages y sont les pions d’une fatalité qui les rattrape toujours ; prisonniers de leurs pulsions, de leur attrait de l’argent ou de l’alcool. Le cinéma de Huston donnera d’innombrables variations à cet acharnement destructeur. On peut oser ainsi un lien improbable entre Moby Dick et son curieux biopic consacré à Freud : de Achab à Sigmund, deux manières de regarder l’obsession ! Son plus beau film, toute époque confondue, "The Misfits", montre ainsi le crépuscule de trois personnages échoués, épris de liberté mais incapables de la vivre ensemble sans se déchirer. Un crépuscule qui fut aussi celui de ses trois acteurs, Marylin Monroe, Clark Gable et Montgomery Clift, contribuant à la légende du film.

Testament

"The Misfits", tourné en 1960, marque pour Huston le début d’une période difficile. Le Hollywood des studios est déjà à bout de souffle, et la relève du Nouvel Hollywood se prépare. Lorgnant du côté d’Elia Kazan, Huston adapte "La Nuit de l’iguane", un beau film étrange qui souffre cependant de la comparaison avec les autres adaptations à l’écran de Tennessee Williams, puis un roman de Carson MacCullers, le raté "Reflets dans un œil d’or" avec Marlon Brando. Et on ne parle pas de son kouglof autour de "La Bible", superproduction typique de la crise d’inspiration hollywoodienne de l’époque. Les années 70 sont plus dures encore : Huston fait beaucoup l’acteur, parfois dans de grands films ("Chinatown"), souvent dans des navets. Mais il signe à cette époque une de ses œuvres les plus accomplies : le superbe "Fat city", ou la boxe racontée par ses losers magnifiques. Déjà âgé, il débute la décennie suivante en roue libre avec le nanar sportif "À nous la victoire" (starring Stallone et Pelé !), puis la comédie musicale gnangnan "Annie". On le pense en bout de course, mais il termine sa carrière sur trois monuments. L’adaptation hallucinée d’"Au-dessous du volcan", la géniale comédie mafieuse "L’Honneur des Prizzi" et surtout un film testament, "Gens de Dublin" avec son dernier plan inoubliable : la neige tombe sur Dublin tandis qu’en voix-off, la narratrice dit qu’elle tombe sur «les vivants et les morts». Le plus beau point final qui soit.

Rétrospective John Huston
À l’Institut Lumière, jusqu’au 3 mars.

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X