La diversité des scènes musicales de l'été lyonnais menacée

Festival / Woodstower, Évasion festival... Plusieurs festivals de l'été lyonnais rencontrent des difficultés et cherchent tant bien que mal un modèle économique qui leur permettrait de durer.

« 350 000 € de déficit, ça nous force à annuler le Wintower », a annoncé Maxime Noly, directeur général du festival Wintower et Woodstower ce vendredi 3 novembre. L'événement de cinq jours se déroulant fin août au parc Miribel-Jonage n'a pas fait recette cet été 2023. À tel point que les salariés ont dû annuler son pendant hivernal déjà fragile, le Wintower. Le Woodstower a joué de malchance cette année : sur ses premiers jours une canicule, a forcé l'annulation de certains concerts, puis la pluie, et enfin une tempête entraînant même la fermeture du durant site deux heures.

« Les règles ont changé »

Ce n'est pas la première édition déficitaire pour le 3ᵉ festival de la métropole, qui accueille environ 40 000 personnes chaque année. L'année dernière, le Woodstower était déjà dans le rouge, et le Wintower enregistrait 150 000 euros de perte. Le Centre National de la Musique (CNM), une institution placée sous la tutelle du ministère de la culture, avait alors sauvé la mise de l'événement en débloquant une aide exceptionnelle.

Avant 2022, le festival s'était pourtant maintenu à l'équilibre sans trop de difficulté depuis l'édition 2013. « Au lendemain du Covid, les règles ont changé », confie le directeur. Il évoque le retrait total de la subvention accordée par la Région en 2023, mais aussi la hausse des coûts techniques, la pénurie de personnel, et surtout la hausse des cachets des artistes. « Il faut des têtes d'affiche pour que les gens viennent, mais celles-ci coûtent tellement cher que si on n'est pas à guichets fermés, on s'endette », soupire t-il, inquiet pour l'édition 2024, censée célébrer les 25 ans du festival.

Les têtes d'affiches disparaissent de certains festivals lyonnais

Les têtes d'affiches sont d'ailleurs devenues une dépense que le festival de musiques électroniques Évasion ne pouvait plus se permettre. Né en 2016, l'événement a fait son grand retour en juin 2023 après quatre ans d'absence. « C'est fini les Jeff Mills, Agoria, Marc Rebillet... », se remémore avec nostalgie Tristan Bellet, organisateur du festival.

La programmation très " scène émergente " a malgré tout séduit les Grands-lyonnais, et toujours pour un prix concurrentiel (une cinquantaine d'euros le pass deux jours). L'événement qui a accueilli 8500 festivaliers sur un potentiel de 10 000 accuse pourtant un déficit de 50 000 € « On aura du mal à faire une meilleure édition que celle là, et on ne veut pas augmenter le prix du billet », se tracasse Tristan Bellet qui évoque les mêmes hausses de coûts dues à l'inflation que Maxime Noly. 

L’Évasion ne bénéficie pour l'instant d'aucune subvention et regrette de n'avoir pas développé d'avantage ses partenariats : « On ne veut pas devenir un festival de la marque, mais on veut aussi trouver l'équilibre », déclare Tristan.

Le mécénat assure les arrières des Nuits de Fourvière

Un convoité équilibre financier qui n'est pas atteint par beaucoup d'événements musicaux de l'été lyonnais, sauf peut-être le plus éminent de tous : Les Nuits de Fourvière. Difficile de savoir combien le festival accueillant 166 000 personnes sur deux mois a pu mettre au chaud. « On a pu générer de quoi investir sereinement sur la création pour l'année 2024 », énonce tout-de-même Vincent Anglade, l'un des deux successeurs de Dominique Delorme qui a achevé sa dernière saison en tant que directeur du festival.

L'événement a le statut particulier d'établissement public de la Métropole de Lyon, il bénéficie donc de subventions de cette dernière. De plus, le mécénat y est plus développé que dans la plupart des festivals lyonnais : « C'est le fruit d'un travail de longue haleine entamé il y a longtemps par Dominique Delorme qui a su associer le milieu économique et la création artistique », précise son successeur.

Ce ne serait pas l'unique raison pour laquelle les Nuits de Fourvière s'en sortent sans trop de bobos. Le festival est lié aux marchés publics, et ne négocie pas les tarifs de ses prestations année par année. « On arrive au terme de certains contrats, ça risque d'augmenter pour l'année prochaine », s'inquiète Vincent Anglade qui bat en brèche l'idée que le festival ne serait pas impacté par la crise.

Aux Nuits de Fourvière, « il y a des groupes avec lesquels nous n'avançons plus »

Les Nuits de Fourvière seraient elles-aussi aux prises avec la hausse des cachets. Même si, « le festival a tout de même un certain nombre d'atouts permettant d'en faire fléchir certains ». Vincent Anglade évoque l'unicité du lieu, l'histoire et le prestige du festival, mais conclut cependant, « Il y a des groupes avec lesquels nous n'avançons plus. »

Un bilan économique plus encourageant donc, mais qui ne nie pas les nouvelles contraintes qui pèsent lourdement sur les événements musicaux lyonnais, dans un contexte où l'offre se raréfie déjà. Pour ne citer qu'eux, la dernière édition des Jeudis des Musiques du Monde s'est achevée cet été.

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