Leçon de théâtre et de ténèbres, "Or"

Au Point du Jour, l'ambiance prend une tournure andalouse, avec le 3eme épisode des Leçons de Théâtre et de Ténèbres, « Or ». Yves Noël Genod poursuit sa leçon avec une Carmen hallucinée, réinventée par une belle bande de comédiens, de chanteurs et de danseurs.

Au Point du Jour, l'ambiance prend une tournure andalouse, avec le 3eme épisode des Leçons de Théâtre et de Ténèbres, « Or ». Alors que la grisaille s'abat sur Lyon, que le temps blanc fait son apparition, Yves Noël Genod et son équipe nous embarquent dans leur navire, perché sur la colline de Fourvière, direction la poésie et une Carmen fantasmée, réinventée.

Depuis septembre et jusqu'au 31 décembre, c'est un voyage immobile vers des rives encore jamais atteintes que nous propose Genod, à qui Gwenael Morin, directeur du théâtre, a confié le gouvernail du Théâtre Permanent.

Voyage immobile certes, mais également expérience de la durée. Yves Noël Genod offre au spectateur, à qui la Leçon est dédiée, un temps allongé, dilaté. Ce temps que l'on ne voit pas filer, on en saisit enfin l'épaisseur, la densité. Pourtant, l'aiguille tourne toujours au même rythme immuable sur l'horloge, accrochée au mur du fond de scène. Mais on éprouve le temps autrement, intensifié dans le moment de la représentation.

Dans ce théâtre patiné, avec son plateau artistiquement usé, ses murs tachetés de blancs et d'éclats de bleu, ses fils de projecteurs qui pendent des cintres, tout est aveu de théâtre. Et c'est cette réalité du théâtre que les comédiens doivent atteindre et souligner, cette réalité de la rencontre avec le public dans cet espace, laboratoire du réel.

Yves Noël Genod s'est donné pour mission : la beauté. Déployant son esthétique du presque-rien – un simple canapé recouvert d’un drap blanc, un danseur peint en noir, une chaise dont on a coupé les pieds, un rideau doré fait de couvertures de survie -, il cherche à faire advenir la grâce. Les différents épisodes fonctionnent sur le modèle de la constellation : constellation non seulement de talents, avec cette belle bande de comédiens, chanteurs, danseurs ; mais aussi constellation de sens, d’images et d’échos à notre culture commune ou à notre passé singulier. Mais les spectacles, ces étoiles filantes qui ne traversent le Point du Jour qu’une semaine, ne se laissent pas approcher facilement : refus de la causalité logique, de la correspondance évidente, du sens patent. Tous les éléments des spectacles sont au contraire mis en tension et se dressent parfois contre la raison du spectateur, qui doit alors faire preuve d’une grande détente et disponibilité pour les apprécier. On pourrait dire, en suivant Lautréamont, que c’est « beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’un parapluie et d’une machine à coudre », et que les spectacles sont créés comme des cadavres exquis, faits d’ingrédients épars et qui mis ensemble se révèlent d’une beauté insoupçonnée.

Dans « Or », le plateau est plus rempli que dans les deux premiers épisodes, offrant de multiple supports à l’imaginaire du spectateur. Il faut accepter de s’y perdre, ou bien se concentrer sur quelques éléments, évocateurs de l’univers d’une Carmen hallucinée. Construit comme un tableau vivant, le spectacle se déploie dans un fragile équilibre de présences. On sent le regard de peintre, de plasticien d’Yves Noël Genod, son attachement aux costumes : il a coutume de dire que « si l’on n’a pas de costumes sublimes - mot qui lui est cher -, alors autant être tout nu ». D’où cette profusion de beaux corps dénudés sur scène, qui ne sont plus vêtus que des lumières ou du noir. Ce noir total qui apaise, qui nous permet de nous retrouver au cœur des ténèbres, au cœur de nous-mêmes, dans le théâtre de l'autre scène, de notre inconscient auquel font appel les spectacles.

C'est au spectateur de tracer les lignes dans cette constellation, ce spectateur chéri par Yves-Noël Genod, qu’il tient à accueillir lui-même avec une flûte de champagne. Genod aime à rappeler l'étymologie du mot « théâtre », qui signifie « le lieu d'où l'on regarde ». Lieu d'où l'on est regardé également : les acteurs ainsi s'approchent de nous, montent sur les premiers rangs dont on a supprimé les fauteuils, pour offrir à la scène un horizon immense où déployer l'espace de l'imaginaire. Il s’agit alors d’accepter de ne pas comprendre, de se laisser porter par cette sensible alchimie, par laquelle Genod transforme tout en « Or ».

Ysé

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'Or'

Troisième spectacle de la série intitulée :

'Leçon de théâtre et de ténèbres'

Du 20 au 24 octobre, à 20h. 5 euros pour tous.

Avec :

Simon Espalieu, Odile Heimburger, Yuika Hokama, Anna Perrin, Marlène Saldana, Gaël Sall, Rémi Studer, Antoine Truchi

Lumière : Philippe Gladieux, Gildas Gouget

Un spectacle de Yves-Noël Genod

Photo : Helen Héraud. avec Gaël Sall (Don José) et Odile Heimburger (Carmen))

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