Delphine Seyrig : diverse et unique

Rétro / Une silhouette longiligne, un brin hiératique, familière des plus grandes scènes comme des écrans de la Nouvelle Vague ; un timbre grave et lancinant qui envoûta les auteurs autant qu’il charma le public… Interprète puis cinéaste engagée, Delphine Seyrig (1932-1990) fait l’objet d’un focus à l’Institut Lumière.

Figure éthérée ou mystérieuse pour de nombreux cinéastes, que l’inconscient associe volontiers à Resnais, Truffaut (ou Claude Vega) via Jean-Pierre Léaud, mais aussi à Duras, Roussopoulos ou Akerman, Delphine Seyrig est irréductible à un univers ou à un genre : s’enfermer dans une chapelle eût été contraire à sa philosophie personnelle, progressiste et émancipatrice. “Insoumuse” selon son terme, elle travailla à modifier le regard et l’industrie cinématographique de l’intérieur, des deux côtés de la caméra, ne négligeant aucun registre. S’aventurant tôt dans l’expérimentation durassienne ou l’horrifique belge de Kümel avec le même bonheur, elle fut tout autant à sa place dans le surréalisme bunuellien (Le Charme discret de la bourgeoise, 1972, et sa course au gros plan) que dans le conte décalé (en)chanté de Demy (Peau d’Âne, 1970). Voire dans un biopic (Aloïse de Liliane de Kermadec, 1975).

Routines et pommes de terre

Les mouvements féministes actuels ne pouvaient rester insensibles au parcours intellectuel et artistique de Delphine Seyrig : elle fut en effet au nombre des pionnières à avoir, avec gravité et malice, pointé “l’hémiplégie” structurelle de la société via le cinéma dans des documentaires édifiants détricotant les discours paternalistes alors en vigueur ou donnant la parole à celles qui en étaient privées. En témoigne Sois belle et tais-toi (1981), collection d’entretiens avec des actrices où celles-ci révèlent certains aspects peu reluisants du métier. Delphine Seyrig a enfin été par contrecoup remise en lumière lorsque Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles (1975) s’est soudain vu décerner en 2022 le titre de “Meilleur film de tous les temps“ par Sight & Sound. S’il faut toujours se défier des déifications comme des étiquettes conjoncturelles, ce film monstre (3h21) centré sur les activités domestiques répétitives d’une veuve, mère d’un enfant, pratiquant occasionnellement la prostitution, tourné en plans fixes, abasourdit par sa radicalité, sa composition millimétrée à la symétrie kubrickienne. Mais aussi par la maturité de la cinéaste, alors âgée de 25 ans : en quelques mots et guère davantage de situations allant du tricot au cirage de chaussures à la corvée de patates, elle métaphorise la réclusion de femmes, Sisyphe modernes. La séance du 29 juin à 19h30 sera suivie d’une discussion sur le film… et son fameux classement.

À l’Institut Lumière, jusqu’au 30 juin

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