« Gérard Depardieu était un fantôme très écrasant »

Changement total d’incarnation pour les deux Gaulois créés par Uderzo et Goscinny : leur cinquième aventure en prises de vues réelles marque l’arrivée du svelte Gilles Lellouche dans les braies d’Obélix tandis que Guillaume Canet occupe les rôles d’Astérix et de réalisateur. Rencontre avec deux copains, à la ville comme à la Chine.

Était-ce un challenge pour vous de réaliser un Asterix ?

Guillaume Canet : Ça l'est devenu, en fait. Mais pas au départ : je n’avais pas dans ma tête une envie particulière avant qu'on me le propose. Quand Alain [Attal, son fidèle producteur, ndlr] m’a proposé de lire les 30 pages qu’il y avait au départ, je me suis dit que ce serait super intéressant pour un réalisateur. Je ne savais pas le faire donc il fallait que je l’apprenne. Ça me plaisait.

Vous avez été sélectionné  ?

GC : C’était un casting de réalisateurs ; il a fallu que je montre patte blanche et que je prouve que j’étais capable de réaliser le film. Quand ils sont venus me voir, c’était déjà décidé. Le projet avait a été élaboré par Yohan Baiada, qui avait demandé à Alain de coproduire le film avec lui ; ils avaient déjà acté avec Hachette que ce serait L’Empire du milieu, qu’il se passerait en Chine… Une trentaine de pages étaient écrites, je n’avais pas la possibilité d’arriver en disant « on va faire Les 12 Travaux ». Je trouvais sympa d’aller vers un scénario original. Et pour le réalisateur, il fallait — ne me demandez pas pourquoi — quelqu’un ayant eu un César, fait un film en langue anglaise, et un film ayant obtenu plus de 2 millions d’entrées. Entre vous et moi, il y a plein de réalisateurs qui n’ont pas eu de César qui sont de très grands réalisateurs — notamment Gilles Lellouche.

Gilles Lellouche : C’est vrai (rires)

GC : J’ai pas trop compris. Parce que la langue anglaise, par exemple, ça ne m'a pas apporté grand chose. En tout cas, ils m'ont proposé le film. J’ai dit non, ils me l’ont reproposé et j’ai accepté…

Il y a une part d'enfance dans chacun de vos personnages, mais cependant bien différente. Comment avez-vous trouvé celle propre à Astérix et celle propre à Obélix ?

GC : On a on a travaillé Gilles moi chacun de notre côté avec Daniel Marchelon, un coach vraiment génial. Il m’a aidé à raconter l’histoire avec le personnage ; à essayer de m’approprier l'histoire par mon personnage, voir comment il vit au travers de la narration. À trouver son côté un peu “ado”. Ce travail a été hyper intéressant, car le personnage n’est pas si évident que ça.

GL : On s'est rendu compte avec Guillaume quand on a fait une première répèt’ — tous les deux et sans costume ça n’aide pas, évidemment — à quel point on était très très loin de ces personnages. Comme l'a dit Guillaume, Daniel Marchelon nous a beaucoup aidés. Après, c'est du travail — physique, en ce qui me concerne — sur la psychologie du personnage (qui est énorme, finalement, beaucoup plus intense et belle qu'on peut imaginer) ; une vraie recherche. Et puis, j’ai eu un conseil formidable de la part de Gérard Depardieu qui m'a dit : « pour moi, Obélix, il a des pâquerettes dans les yeux » C’était synthétique mais en même temps, très fort, et je l’ai gardé avec moi tout le tournage. Avec l’idée de faire d’Obélix un enfant dans un corps de brute.

Vous êtes-vous replongés dans les albums ?

GL : Oui, dans tous les albums, dans tous les films, dans les films d’animation, les vieux dessins animés qu’on regardait pendant les fêtes quand on était petits… En même temps, c'est hyper inhibant de regarder ce qui a déjà été fait, donc il faut prendre ce qu'il y a à prendre et puis laisser de côté ce qui a déjà été fait. Me concernant, Gérard Depardieu était un fantôme au-dessus de moi quand même très écrasant (rires) Donc il faut réussir à faire son son truc à soi. Pour nous tous, jusqu’au premier moment où on a vraiment incarné les personnages, tout a été très flippant. Ce n’est qu’une fois qu'on joue et qu'on se lance, qu’on se libère.

Quand on se voit proposer un Astérix, il doit y avoir une sorte de balance : d’un côté, la proposition qu'on peut pas refuser ; de l'autre côté, un sommet de pièges, la multiplicité des personnages, le fait que ce soit une franchise… Est-ce qu’on hésite ?

GC : Je n'ai pas eu la sensation que j'étais obligé de l'accepter ; que c'était un truc qu'on peut pas refuser  — parce que je me voyais aussi le refuser, c'était possible. J'ai toujours aimé avoir peur de quelque chose ; je sais que ça me met dans une zone d'inconfort et que ça va me permettre d'apprendre quelque chose. À chaque film, j’aime apprendre quelque chose. Et là, les effets spéciaux, les scènes de batailles immenses, je me demandais si j’allais être capable de les faire. Ça m'excitait quand même beaucoup, mais il y avait en parallèle une peur monumentale. Je le dis souvent : si j’ai une qualité que je me reconnais, c’est d’être inconscient. Je suis bélier : je fonce et je réfléchis après — ça m’a joué des tours, . En l’occurrence, j’ai suivi mon instinct : l'envie était plus forte que l’angoisse.

Est-ce qu’il y a des interdits avec Astérix & Obélix ?

GC : Oui dans le langage, dans la manière dont on écrit les personnages. J'ai eu vraiment une charte à tenir. Non seulement parce que je l’avais promis à Uderzo. J’avais eu la chance de le rencontrer avant qu'il parte, de lui lire quelques pages ; c’était un moment merveilleux. Je me rappellerai toujours avoir été dans son bureau, là où il a dessiné toutes ses BD et de le voir avec son regard d’enfant, son sourire. J'avais une vraie envie de lui être fidèle ; à René Goscinny également. De suivre l'ADN d’Astérix & Obélix. Il y a un certain talent dans la manière de retranscrire une actualité dans ce langage gaulois bien particulier avec cet absurde, avec ce décalage — sans grossièreté. La phase la plus compliquée pour moi, ç’a été d’essayer de me retenir dans des moments où je voulais proposer ou faire des choses que je ressentais drôles ; j’avais aussi des acteurs qui me proposaient des choses mais qui n'étaient pas dans la charte à cause de mots un peu anglophones, d’impros un peu décalées. C’était parfois un peu frustrant pour moi de pas laisser les comédiens totalement libres.

Il y a également des incontournables…

GC : J'ai eu une grosse pression de la part de la production pendant la prépa, pour couper la scène des pirates, par exemple. J’ai vraiment dû me battre comme un dingue en leur disant qu’il n’y avait pas d’album sans les pirates, et qu’il fallait absolument qu'ils soient là. Après, il y avait d’autres séquences incontournables et nécessaires comme cette scène au début du film où ils sont en forêt en train de chasser le sanglier — c'est un peu les retrouvailles avec Astérix et Obélix — ou le banquet à la fin, évidemment. À propos de cette première scène, on m’a dit l’autre jour qu’on était dans le ton de Goscinny puisque le dialogue fait un rapprochement avec l’actualité — en l'occurrence, on avait choisi de parler de bien-être.

Emmener les Gaulois en Chine induit une autre chorégraphie pour les scènes de combat. Aviez-vous des références cinématographiques précises ou des modèles ?

GC : Je suis très fan de Tsui Hark ; j'adore ses films et du coup, j’en ai revu plein. Des films d’Ang Lee également, pour les trucs aux câbles… Après, il ne s’agissait pas d'essayer d'être à ce niveau, parce qu’il y a une telle poésie… Mais d'aller un peu vers ce genre d'image et de voir une Tat Han volante (rires)

Le fait d’être réalisateur allait-il de pair avec le rôle d’Astérix ?

GC : Quand on m'a proposé le film, c'était plus en tant que réalisateur. Alain m'a proposé de jouer dedans, mais je pensais qu'il faisait référence à Alain Chabat qui avait fait César. Quand j'ai commencé à lire, j'ai tout de suite pensé à César  — pas forcément par rapport à Chabat — mais parce que le personnage me plaisait vraiment. La démarche d'écrire un personnage de César un peu dépressif, fou amoureux transi et perdant son statut d’empereur, je trouvais ça assez génial. Et puis Gilles m'a ouvert les yeux : il m’a parlé en pote en me disant que je l’avais déjà fait sur Rock’n Roll et que ça risquait d’être une redite. Il avait évidemment raison.

C'est Jérôme Seydoux [le patron de Pathé, ndlr] qui a beaucoup poussé pour que je fasse Astérix. Un jour on avait une réunion chez Pathé : une vingtaine de personnes autour d’une table pour déterminer le casting. J’hésitais encore et à un moment, Jérôme a dit : « Guillaume, t'es volontaire, t’es conquérant, t'as peur de rien, t'as envie d'y aller, t'es un peu rigoureux, c’est toi, allez ! » Il s'est levé, il s'est barré et il m'a laissé à table avec tout le monde… «  Jérôme a dit… » Ça s'est conclu à ce moment-là comme un truc évident, mais j'aurais pu effectivement ne pas jouer du tout.

Cela doit vous faire plaisir d’être à l’affiche d’un film que vos enfants peuvent voir…

GC : Ah oui, c'est sûr ! C'était l’une des raisons pour lesquelles j'avais envie de le faire. D’ailleurs, je dois beaucoup à la fille de Gilles : à certains moments, lui se posait (à juste titre) la question de savoir si c'était une bonne idée de faire Obélix.

GL : Elle a beaucoup insisté !

Le film est vendu à Netflix monde ; sortira-t-il en Chine ?

GC : Pour l'instant il est pas vendu en Chine. Mais peut-être qu'il le sera…

Astérix et Obélix, l'Empire du Milieu, en salles le 1er février

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