Combattre la radicalisation avec des livres, des pages, des mots, de la culture

Combattre la radicalisation avec des livres, des pages, des mots, de la culture

Rencontre / Journaliste présent tout au long du procès des attentats de Paris, Guillaume Auda présentera à Saint-Étienne son ouvrage Jeunes à crever, dans le cadre de l'action Comprendre pour mieux agir. L'occasion pour nous de revenir sur un projet qui, depuis 7 ans, s'inscrit au cœur de la lutte contre la radicalisation dans la Loire.

« On s'est dit qu'on avait raté un truc. Pourquoi les jeunes ont envie de mourir ? ». Novembre 2015, quelques jours après les attentats de Paris. A Saint-Étienne, Farid Bouabdellah, alors directeur de feu le Nouveau Théâtre Beaulieu, voit cette question tourner en boucle dans sa tête. Impossible, pour lui qui, depuis des années, travaille au contact de la jeunesse, de se résoudre à ce sentiment d'impuissance. Conscient de faire face à un sujet sensible, complexe, délicat, Farid se tourne alors vers l'ANEF (association de lutte contre l'exclusion sociale), afin de bâtir un projet collectif de lutte contre la radicalisation. « Comprendre pour mieux agir » voit le jour six mois plus tard sous une forme collaborative, mené par un comité de pilotage composé de différents partenaires institutionnels. *

Chaque année depuis lors, ont ainsi lieu des rencontres culturelles pendant la semaine du 13 novembre, sous la forme de pièces de théâtres, de films, d'interventions qui ont pour sujet le terrorisme et la radicalisation. Collèges, lycées, structures d'éducation populaire, prisons : chaque temps fort a vocation à toucher et sensibiliser des publics divers. En janvier 2023, le projet s'est également ancré à Roanne, en lien avec les attentats de Charlie Hebdo « C'est une symbolique. C'est pour que les gens se rappellent. »

La culture, outil de médiation

Pour « apporter sa pierre à l'édifice », l'équipe en charge du projet tente ainsi, temps fort après temps fort, de créer les conditions nécessaires au développement de l'esprit critique des participants.  Face à l'instantanéité et à la pagaille régulièrement à l'œuvre sur les réseaux sociaux, Comprendre pour mieux agir s'inscrit aujourd'hui, à son échelle, comme une forme de contre-pouvoir fondé sur le temps long.

Aujourd'hui directeur artistique du festival ArcomiK, et donc, fervent défenseur d'une culture vectrice de messages, Farid Bouabdellah explique avoir choisi de s'en servir ici comme d'un outil pour apporter des clés de compréhension du monde à différents publics. « On utilise la culture comme outil de médiation, pour faire passer des messages et éduquer ». Ainsi la rencontre avec le rappeur Rost, en 2019, pour son court-métrage tourné à hauteur d'homme Tu iras au paradis, a-t-elle permis de capter l'attention de jeunes gens potentiellement imperméables aux grands discours.

 « On est militants au fond de nous. On n'a pas envie que cette jeunesse parte en live, parce que c'est de la jeunesse perdue, insiste l'organisateur. Il faut donner du temps aux gens pour discuter. C'est important pour les jeunes qui sont un peu moins informés. ». Outre l'usage d'objets artistiques, le projet a en effet vocation à faciliter la rencontre et la communication avec des experts de la question terroriste. En 2021, des Stéphanois ont ainsi pu participer à une rencontre-débat sur l'immigration, la mémoire et l'intégration, au cours de laquelle ils ont été amenés à échanger avec la journaliste Lilia Hassaine ainsi qu'avec Azouz Begag. Idem en 2022, avec la journaliste Charlotte Piret, co-autrice de Et nous nous sommes parlé, ouvrage dans lequel elle retranscrit la parole d'un avocat de la défense et d'une victime des attentats de Paris. 

Une rencontre autour du procès des attentats de Paris

Une pluralité des discours, qui reflète bien l'ambition affichée par les différents porteurs du projet. « On n'est pas sur un terrain politique » rappelle ainsi Farid Bouabdellah. Soutenus par l'Etat, les différents partenaires agissent en effet dans un cadre strictement désintéressé, là où terrorisme et radicalisation endossent régulièrement le poids des luttes électorales et politiques... Du concret, rien que du concret, le tout, ancré dans la durée.  Après 7 ans, et alors même que le champ médiatique a laissé place à d'autres actualités, la lutte contre la radicalisation se poursuit en effet à Saint-Étienne, parfois même, hors de la semaine symbolique du 13 novembre.  Le 27 avril prochain, c'est ainsi Guillaume Auda, qui viendra présenter son ouvrage Jeunes à crever, au centre social de Beaulieu.

Dans ce livre, l'auteur revient sur les témoignages et les différentes versions entendues tout au long du procès des attentats de Paris, qu'il a couvert dans son intégralité. Lui qui, le 13 novembre 2015, fût l'un des premiers journalistes arrivés sur place, redonne ici une place de choix à l'humain en retranscrivant paroles et réactions de chacun des protagonistes de ce moment de justice et d'Histoire.  « Ce bouquin, c'est une retranscription, il n'y a aucun voyeurisme. L'idée de cette rencontre, c'est de permettre aux gens de comprendre comment s'est déroulé le procès, et les émotions qui l'ont traversé », poursuit Farid.

Une manière de revenir sur ces événements qui ont bouleversé le monde, et de mettre en évidence les souffrances qu'éprouvent également les parents des accusés, victimes collatérales de ces attentats. « On est tous des êtres humains, y'a plusieurs douleurs. Le procès était nécessaire, ça fait partie de l'Histoire. »

Rencontre avec Guillaume Auda, jeudi 27 avril à 19h30 au Centre Social de Beaulieu

*Le comité de pilotage est composé de la préfecture de la Loire, de la protection judiciaire de la jeunesse, du SPIP, la maison d'arrêt de la Talaudière et du centre de détention de Roanne, de la CAF, de la ville de Saint-Etienne, de l'AGASEF de la et de la DRAC.

 

à lire aussi

vous serez sans doute intéressé par...

Mardi 31 octobre 2023 « Pourquoi les jeunes ont envie de mourir ? » Un questionnement de départ, né après les attentats de 2015 en France. Une envie d’apporter sa pierre à l’édifice, (...)
Mardi 31 janvier 2023 Un peu comme des parents émus de voir leur petite tête prendre son envol, les Stéphanois observent aujourd’hui avec tendresse et fierté l’engouement pour leur festival d’humour, né il y a tout juste 20 ans. Des balbutiements à l’indépendance,...
Mercredi 5 février 2020 Ancien directeur de la MJC Beaulieu, actuel programmateur du festival des Arts Burlesques et meneur de multitudes de projets, Farid Bouabdellah est un engagé sans rage, un cultureux sans costume, un homme sans entrave. Itinéraire de cet enfant de la...

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X