MOONLIGHT de Barry Jenkins

Peut-on être noir, homosexuel et vivre au milieu des gangs et de la drogue ?

Moonlight apporte sa réponse : oui, mais ce n’est pas tous les jours facile et le chemin pour survivre ne même pas forcément là où l’on pensait !

Moonlight est le lent cheminement vers l’âge adulte, pris à trois périodes différentes, d’un jeune garçon qui dès son enfance – il doit avoir une dizaine d’années – se retrouve isolé, subit les moqueries du groupe et est régulièrement coursé par ses petits camarades qui l’utiliserait bien comme punching-ball.

Qu’est ce qui lui vaut un tel traitement ? Sa petite taille – tout le monde l’appelle Little – sa gueule d’ange, son peu d’appétence pour les jeux ou les sports collectifs, ses silences. Il passe quand même entre les gouttes, trouve de temps en temps un camarade charitable et échappe de justesse à la raclée promise grâce au caïd local qui se prend d’affection filiale pour ce gamin, à qui il veut éviter à la fois les mauvaises rencontres et de s’engager sur de mauvaises voies.

Sa mère droguée ne lui apporte aucun soutien et lui demande même à l’occasion de débarrasser le plancher. Il trouve son seul réconfort chez cet homme et sa compagne à qui il confie ingénument ses questions sur l’homosexualité et comment on s’en rend compte. Réponse tout aussi intelligente, sensible qu’inattendue dans la bouche de ce dealer au regard protecteur et à la voix douce, qui, hors contexte, pourrait passer pour un éducateur cherchant à éviter aux jeunes du quartier de sombrer dans la délinquance : tu le sauras de toi-même quand le moment sera venu, mais surtout cela n’a aucune importance.

L’enfance n’était pas facile, l’adolescence est encore plus dure à vivre. L’isolement, le mutisme, la non fréquentation des filles en font définitivement le bouc émissaire des durs de sa classe. Chiron – il a grandi et retrouvé son prénom – souffre en silence, hésite à sortir du lycée pour éviter les tabassages, voit sa mère continuer de s’enfoncer et trouve toujours chez la compagne, veuve, de son ancien protecteur affection et soutien. Jusqu’à une douce soirée sur la plage où il prend définitivement conscience de ses penchants sexuels. Moment de découverte incertaine, puis de bonheur discret dans un quotidien où il a rarement l’occasion de sentir un sourire monter sur son visage.

Qu’a-t-il construit pendant les deux premières périodes de sa jeunesse, secouru par la bienveillance d’un dealer, voyant sur sa mère les ravages de la drogue, expérimentant agréablement son homosexualité, et prouvant à ses persécuteurs qu’il a du caractère après avoir reçu une correction ? Va-t-il se bâtir dans l’adversité ? Quelles ressources et quelles leçons va-t-il puiser dans ces deux périodes pour forger sa vie d’adulte et ne plus subir les brimades de son entourage ?

« Qui es-tu Chiron ? » lui demandera son ami perdu de vue depuis dix ans. Qui est ce jeune homme toujours aussi mutique et discret sur ses sentiments mais qui s’est forgé une carapace ? Qu’a-t-il connu, entre la fin de son adolescence et le moment où on le retrouve, qui l’a guidé vers sa nouvelle existence ?

Le réalisateur n’a pas fait le choix de la ressemblance physique entre les époques. ce qui d’ailleurs n’aurait pas eu de sens tant le visage et le corps peuvent changer au cours de la croissance et en fonction des pratiques et de l’environnement. Par contre on retrouve ces yeux qui regardent le monde par en-dessous, tant Little, Chiron et Black gardent la plupart du temps la tête baissée comme dans un souci de se faire oublier. De temps en temps un sourire rieur éclaircit son visage, mais il est immédiatement englouti derrière une lueur sombre dès que quelqu’un le fixe ou lui demande des explications. Aucun des trois ne livre ses sentiments profonds, dans cet univers de luttes, d’apparence et de domination, par crainte sans doute d’être dévoilé et que l’on découvre ses blessures.

Moonlight est également un lent apprentissage de la solitude, tant Chiron, à tous les âges, trouve peu d’épaules réconfortantes et fiables. Solitude qu’il osera essayer de briser en s’échappant vers la seule personne avec laquelle il espère revivre un instant de douceur et de consolation. On sent alors qu’il surmonte les murailles de sa propre forteresse pour cette mise à nu risquée, équilibre instable dont on se demande s’il basculera vers un moment de répit et de chaleur humaine ou vers le repli définitif derrière sa cuirasse.

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