Édito du n°1082 - mercredi 24 janvier 2018 - Petit Bulletin Grenoble
Mais taisez-vous : voilà ce que nous avons envie de crier à ces néo-réacs (big up Daniel Lindenberg) qui saturent notre espace médiatique, en parodiant ainsi l’une des tirades télévisuelles les plus célèbres de ces dernières années venant justement de l’un de ces néo-réacs – ce « taisez-vous » a été éructé en 2013 par Alain Finkielkraut face au scénariste Abdel Raouf Dafri dans l'émission Ce soir (ou jamais !).
Oui, taisez-vous ; ou au moins réfléchissez deux secondes vous autres intellectuels qui vous répandez de tribunes en plateau télé et studios radio pour dénoncer cette société soi-disant « dangereusement névrotique » (ça c’est de l’avocat Gilles-William Goldnadel, dans les colonnes du Figaro). Avec, en guise d’exemple ultime, le récent choix d’un metteur en scène italien de revisiter la fin de l'opéra Carmen, « parce qu’on ne peut plus applaudir le meurtre d’une femme » comme rapporté par l’AFP.
Mais taisez-vous, vraiment ; ou faites marcher votre cerveau. Car vous devez le savoir, vous qui êtes si cultivés, que l’histoire des arts est pleine de réécritures et de transformations, pour diverses raisons qui ne datent pas de 2018. Sans remonter trop loin dans le temps, l’idée que Carmen ne meure pas assassinée par son amant Don José n’est pas nouvelle, Olivier Py l’ayant par exemple déjà proposée en 2012 à Lyon, bien avant que la question des violences faites aux femmes ne soit à ce point sur le devant de la scène. Mais vous autres, professionnels de l'indignation qui êtes si facilement scandalisés par un simple geste artistique, aviez sans doute à cette époque d’autres sujets de préoccupation si lucratifs pour votre entreprise réactionnaire que d’aller au spectacle.
