La tendance "no laptop" s'empare des cafés lyonnais

Dehors les ordis / Depuis la fin d’année 2023, certains cafés de Lyon ont décidé d’interdire les ordinateurs portables pendant les week-ends. Entre sauvegarde de la convivialité, manque de place et perte de profits, les tenanciers invoquent plusieurs raisons pour refuser les digital nomads.

Mise en situation : c’est le week-end, vous avez un projet à rendre pour les cours ou le travail, mais l’idée de travailler chez vous vous déprime. Pour changer d’air, vous décidez de vous rendre dans l’un des nombreux cafés de la ville. En arrivant, un pannonceau vous interpelle, sur lequel on peut lire "No laptop" (ordinateur portable en anglais). Mais d’où vient ce phénomène ?

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Un concept qui traverse les frontières

Interdire les ordinateurs portables semble être la dernière tendance dans les cafés de la capitale des Gaules. En dehors des grandes chaînes (Starbucks, Prêt à Manger), il devient de plus en plus difficile de trouver un établissement acceptant les personnes munies d’ordinateurs portables le week-end.

Un peu de contexte : les plus anciennes traces d’interdiction d’ordinateurs portables remontent aux États-Unis en 2013, dans le café-boulangerie August First, situé dans le Vermont. Jodi Whalen, la propriétaire, a décidé dans un premier lieu de couper le Wifi, puis d'interdire les ordinateurs pendant l'heure du midi, avant de les interdire toute la journée. En France, la tendance a fait irruption après le covid, alors que le télétravail s'est généralisé. Après dix mois de confinements et de couvre-feux, les Français se sont lassés de travailler depuis chez eux. De leur côté, les cafés ont vu d’un mauvais œil cette vague de travailleurs à distance. À Lyon, il aura fallu attendre la fin d’année 2023 pour voir apparaître les redoutés panneaux "no laptop" dans les cafés.

Coffee fait de la résistance

Selon les tenanciers de cafés situés dans les pentes de la Croix-Rousse, le premier établissement à avoir appliqué cette restriction est Kafé Stockholm, qui a ouvert ses portes en novembre 2022. Inspiré par la culture du Fika, la pause café traditionnelle suédoise, l’endroit se veut comme « …un espace de vie intergénérationnel, où on peut parler fort, où les enfants peuvent jouer ». C’est en tout cas comme ça qu’Anna Notini Williatte, la co-gérante du café, imagine son établissement qui interdit les ordinateurs portables le week-end depuis six mois.

Son argument principal est donc la perte de convivialité, qui adviendrait lorsque ceux-ci se font trop nombreux dans son échoppe. « Au début, on pouvait travailler partout dans le café. Après, on a réservé l'arrière-salle [aux digital nomads ndlr], parce que les passants pensaient qu’on était un espace de coworking tellement il y avait de personnes avec des ordinateurs. Et quand ils entraient, ils s'agaçaient du bruit. Ça ressemblait à une bibliothèque ! », confie-t-elle.

Un impact « trop gros » sur le chiffre d'affaires

Cette « ambiance bibliothèque », Sylvain Segura, gérant des cafés Tomé et À chacun sa tasse l'a ressentie aussi. C’est pourquoi, en fin d’année 2023, il s’est inspiré de Kafé Stockholm en décidant de refuser à son tour les travailleurs nomades le week-end, sans pour autant cacher les répercussions financières d’une telle décision : « Au début on accueillait tout le monde, mais quand on a fait le calcul sur la période hivernale, où il faut faire le plus de chiffre en prévision de l’été, l’impact est trop gros : sur une table de quatre, on passe de deux personnes qui dépensent trois euros pour quatre heures sur place à quatre personnes qui dépensent entre cinq et dix euros chaque heure pour le même temps. »

D'après lui, la multiplication des digital nomads dans les cafés témoigne aussi des prix trop élevés pratiqués par les espaces de coworking.

Des portes qui restent ouvertes

Malgré tout, les travailleurs nomades peuvent se rassurer car tous les établissements de Lyon ne leur ferment pas encore leurs portes. Le Luminarium, situé dans le Vieux Lyon, fait confiance à ses digital nomads habitués pour laisser la place à d'autres clients. « Nos clients avec ordinateurs portables s'adaptent. Lorsqu'ils voient venir trop de monde, ils s’en vont ou commandent à nouveau. On fait comme on peut pour que tout le monde puisse profiter. Quand il y a une grande queue, on va réussir à mettre cinq personnes sur une table de deux [rires] », rapporte Léa Ménard, directrice du café.

Les habitués font la force d’un café selon Hattam, barista au Perko, dans les Pentes : « On a des clients qui viennent chaque jour depuis longtemps, et ça fait du bien de les voir. C’est ça un café, voir les clients qui reviennent chaque jour pour travailler tranquillement, ce n'est pas la question de ce qu’ils consomment qui importe. »

Autre cas : celui de Caillou, nouvel établissement installé au bord des quais de Saône, dans le cinquième arrondissement. Ici, pas d’interdiction, mais pour rester, il faut quand même consommer. C’est ce que partage Benjamin Moine, barista du café : « On veut que ce soit un lieu de vie pour le quartier, c’est pour ça qu’on veut qu’il y ait des jeunes, des moins jeunes, des parents… on va tolérer le télétravailleur, parce qu’il fait partie de la vie du quartier, mais seulement quelques heures à la fois et avec une consommation. »

L’alternative des cafés-coworkings

Pour certaines personnes, la solution est toute trouvée, grâce aux cafés qui s'hybrident en coworkings sans abonnement ni réservation. Inspirés des espaces de coworking, qui, pour un abonnement mensuel allant de 200 à 400 euros par mois, offrent des postes de travail à des entrepreneurs ne disposant pas de locaux, les cafés-coworkings proposent des tarifs aux alentours de six euros de l'heure, de quoi travailler un après-midi en dehors de chez soi. Petit bonus : en compensation du prix assez élevé auquel revient une journée, les consommations sont à volonté.

L'Anticafé est l'un de ces établissements, et fait office de référence sur la Presqu’île. Pour Yohann, client à l’Anticafé, « vu qu’on parle de plus en plus du droit à la déconnexion, ça permet une séparation entre la maison et le travail. Ces espaces sont parfaits, conçus pour qu'on puisse y travailler et moins bruyant que certaines enseignes connues. »

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