Stéphane Malfettes : « On ne doit jamais craindre l'échec »

Création / Le 2 mai, les Subs inaugurent la nouvelle œuvre géante qui occupera l'esplanade des Subsistances tout l'été (et l'été indien). Gigantesque et pourtant déplaçable et recyclable, elle témoigne des subtils changements d’orientation du lieu de vie et de création artistique. Entretien avec Stéphane Malfettes.

Pensé par l'artiste issu de l'univers du cirque nouveau Julian Vogel, Crescendo a vu le jour sur l’esplanade des Subsistances après Bleu par la plasticienne Alix Boillot en 2023 et le Kraken par Khaled Alwarea en 2022. Pourquoi l’avoir choisi ?

Stéphane Malfettes : On propose toujours à quelqu’un qui n’a pas eu l’occasion de mener un projet de cette envergure. On n’a ni thématique, ni cahier des charges très précis, si ce ne sont les limites du réalisable et une démarche en écho à nos orientations esthétiques. 

Crescendo évoque une intensification de ce qu’il se passe, un élan qui correspond à la dynamique de notre saison artistique, mais aussi à notre rapport à l’existence. Qui plus est, il s’agit d’une œuvre qui accueillera d’autres créations en son sein. Des artistes de cirque comme Mathurin Bolze, Groupe Nuits ou Inbal Ben Haim présenteront des performances dans la structure, avec la possibilité de s’y suspendre ! Plutôt qu’un chapiteau, on propose une structure imprévisible, provoquant un suspens au sujet de ce qu’il peut advenir.

Crescendo
Commande passée par les Subs à l’artiste plasticien Julian Vogel, Crescendo ressemble à une flûte de pan géante qui zigzague. Une courbe métallique qui se déploie dans les airs et à laquelle sont suspendus une centaine de cylindres en céramique aux tailles diverses.

Une œuvre qui va avoir plusieurs vies ?

Après sa création aux Subs, l’œuvre va voyager, et, à terme, être entièrement recyclée. Elle va tourner dans plusieurs lieux en France et à l’étranger pendant plusieurs années. L’année prochaine, elle sera par exemple au festival de la Cité à Lausanne (Suisse), au Circus Dance Festival à Cologne (Allemagne), au Sirque à Nexon…

Ces objectifs correspondent à la ligne de crête qui est la nôtre : continuer à inscrire le projet dans l’identité du lieu, avec des aventures esthétiques uniques, mais en ouvrant le site d’avantage, en le connectant à la vie de la cité et en favorisant les échanges.

Est-ce cette réflexion qui vous a amené à soutenir la création, notamment en vous lançant dans des productions « maison » ?

Je trouvais surtout important qu’on puisse être un acteur du soutien auprès de jeunes artistes qui ne sont pas encore structurés. Aujourd’hui, le talent ne suffit pas, il faut des leviers d’action.

Nous accompagnons les artistes à 360°. Nous finançons les projets en allant chercher des moyens spécifiques, d’autres lieux de résidence et de diffusion pour les artistes. L’enjeu le plus crucial est de construire avec eux un réseau de partenaires.

Le point de départ d’une collaboration est toujours un crush artistique, ce fut le cas avec la première, Inbal Ben Haïm qui a créé son spectacle Pli aux Subs en 2021 et qui tourne encore aujourd’hui sur plusieurs continents. Cette dynamique nous a permis d’enclencher un programme plus large de soutien profitant à d’autres équipes.

Aujourd’hui on le fait pour quelques artistes chaque année, on a structuré le dispositif car les demandes sont en constante augmentation. Pour la saison prochaine, nous avons réceptionné 460 dossiers que nous instruisons collectivement. 

Il y a aussi des « résidences hybrides » d’un mois comme celle du collectif Sous les néons, en janvier dernier.

Comme tout le monde, nous faisons face à une baisse de nos moyens d’action et nous devons réinventer l’accueil des artistes sans pour autant les pénaliser.

En collaborant avec le collectif Sous les néons un mois dans notre hangar, nous avons essayé quelque chose de très hybride mêlant résidence, spectacles et expositions… Autour des jeux vidéo et de la transition écologique. Cela a favorisé le bouillonnement d’idées, il se passait toujours quelque chose. 

On n’avait rien signé, rien prévu sur le long-terme, mais on va développer ce qui n’était qu’un prototype en janvier prochain, cette fois-ci en ajoutant une autre thématique à celle des jeux vidéo et de la transition écologique : notre rapport à l’alimentation. Un nouvel enjeu mais sans repartir de zéro, on a hâte.

Le secteur culturel est en crise, comment cela se ressent dans la trésorerie des Subs ?

On est un lieu dont le fonctionnement coûte cher, avec des hébergements, des espaces de travail, plusieurs salles de spectacle, une importante offre gratuite et des tarifs peu élevés pour des salles qui ne sont pas très grandes. Les subventions publiques ne peuvent pas suivre l’inflation des coûts. Donc, depuis que je suis arrivé, on a beaucoup développé et diversifié nos ressources propres, notamment avec le mécénat, en embauchant quelqu’un dédié à cela.  

Notre autre levier de financement sont les revenus commerciaux du bar et de la terrasse, tributaires de la météo donc. Les bénéfices servent à financer directement des événements gratuits en extérieur. Finalement, la production déléguée (générer une activité et la financer) nous permet de payer des postes qui servent eux-mêmes à aller chercher de l’argent, des partenaires, vendre des spectacles.

On ne fait pas de profit, notre économie repose sur des montages précaires, mais on ne veut pas se départir de notre obligation de service public, de nos ambitions de parler toujours à un public diversifié, pas en monoculture.

Avez-vous remarqué une évolution de l’affluence ?

On peut toujours faire mieux, bien sûr. Les salles ne sont pas toujours pleines à craquer mais ça ne doit pas nous inquiéter. Il faut qu’on reste agiles, vifs, attractifs mais sans craindre l’échec, jamais, et garder notre liberté. 

Vous avez souhaité repenser les dynamiques partenariales des Subs.

Nous sommes très heureux de continuer à collaborer avec nos partenaires historiques, mais nous avons aussi eu envie d’en accueillir de nouveaux. Par ailleurs, on ne peut pas être partenaires de tout, tout le temps. On a été partenaire de la Fête des lumières mais on ne l’est plus aujourd’hui. Pas parce qu’on ne veut pas, mais parce qu’il faut qu’on se laisse l’espace d’innover, d’inviter de nouvelles dynamiques.

C’est dans cet esprit qu’on a lancé le festival avec le magazine Kiblind, pour créer la version ‘’live’’ de ce qu’ils font sous forme de magazine, pour porter leurs questionnements autour du graphisme et de l’illustration. On va le refaire en octobre prochain, sans pour autant acter qu’on l’accueille éternellement.

Depuis cette année, les Subs participent au festival itinérant Transforme avec le Théâtre de la Cité internationale à Paris, La Comédie de Clermont-Ferrand et le Théâtre National de Bretagne à Rennes, financé par la fondation d’entreprise Hermès. Une collaboration qui vous semblait évidente ?

C’est une sorte de miracle que j’ai un peu favorisé. La collaboration nous a paru aller de soi car la fondation soutient les mêmes artistes que nous, avec des visées proches en matière de médiation. C’est d’ailleurs un festival qui se prolonge avec des colonies de vacances artistiques et de nombreuses actions pédagogiques. Des adolescents de l’Allier sont venus en résidence aux Subs pendant une semaine pour participer à des ateliers artistiques, on a aussi emmené des étudiants du Crous voir Black lights de Mathilde Monnier à Paris. 

Cela nous a permis de travailler avec d’autres théâtres de France, créant une dynamique de circulation. La diffusion est le maillon faible de notre filière, on espère donc réussir à valoriser ce travail, plutôt que l’idée qu'"une enseigne de luxe vient faire quelque chose aux Subs".

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