Encore plus étrange...

La première édition fut une belle réussite, mais ce deuxième Étrange Festival ne se repose pas sur ses acquis : la bizarrerie est le véritable liant d’une programmation allant du chef-d’œuvre nanar au chef-d’œuvre tout court, de l’amateurisme allumé au porno vintage. Christophe Chabert

L’Étrange festival, c’est le genre de proposition culturelle qui fait du bien. Alors que le cinéma en salles est quasiment interdit aux plus de 16 ans, les agitateurs de l’association Zone Bis remettent le couvert pour une deuxième salve de films destinés aux spectateurs adultes et à l’esprit ouvert, refusant les diktats moraux de quelques curés déguisés en intellectuels laïcs. Car le cinéma, ce n’est pas seulement des films à grands sujets et à courte vue ou des cinéastes qui n’existent plus si leur nom n’est pas dans la prochaine sélection du festival de Cannes ; ce sont aussi des objets provocateurs et des réalisateurs sans grade qui fabriquent dans leur garage des films déviants, mal foutus mais parfaitement sincères, avec un plaisir de faire qui en retour fait plaisir à voir. Étrange festival donc où les têtes d’affiche sont de parfaits inconnus, comme ce Jean-Claude Van Belle qui a carrément droit à une rétrospective en sa présence. Van Belle, c’est l’arrière-cour d’un cinéma bis qui maintiendrait, par-delà les circonstances commerciales qui l’obligent à s’adapter aux modes (du fantastique à l’érotisme, ou tout en même temps !), un cap personnel. Les dialogues sont impossibles ? Les acteurs improbables ? Les effets spéciaux en dessous d’un artisanat minimal ? Les scénarios parfois incompréhensibles ? Certes, mais l’auteur (osons le mot) du Sadique aux dents rouges vit dans une bulle étanche au deuxième degré, qui lui permet en retour d’accoucher d’un cinéma qui défie les catégories et les jugements de goût.Professions libérales
Plus fort encore, le festival a déniché un cas tout à fait à part : un médecin qui se rêve, entre deux consultations, cinéaste gore, et qui tourne à Nîmes pendant ses heures de repos des moyens-métrages amateurs et sanglants. Antoine Pellissier (vrai nom de ce Docteur Gore) et Pauline Pallier (réalisatrice d’un documentaire sur ledit docteur) seront présents pour accompagner la projection de leurs films respectifs. L’an dernier, le festival avait fait découvrir un porno formidable, Quiet days in clichy, hélas diffusé dans sa version soft. Cette année, bis repetitae niveau «Boulard du samedi soir» avec un petit classique d’un cinéaste français ayant osé l’ambition pour le genre : le mythique Gérard Kikoïne et son Dans la chaleur de Saint-Tropez. Le titre se passe de commentaires, mais le cinéaste viendra tout de même ajouter le sien avant cette séance probablement moite. Les fans hardcore de nanars connaissent par cœur la franchise Mondo Macabro, où comment un passionné nommé Pete Tombs a créé une collection DVD visant à célébrer la série Z à travers le monde. Une soirée spéciale lui sera consacrée avec la projection d’un classique de Jess Franco et surtout, une des aventures de Weng Weng, espion philippin de petite taille qui provoquerait aujourd’hui les foudres du politiquement correct ! Le festival a encore frappé !
On a gardé le meilleur pour la fin : le fameux cycle du festival, cette année baptisé Mauvais gènes. Y seront montrés le très beau film autobiographique et onirique de Jean-Claude Lauzon, Léolo, et surtout l’incroyable Le Bonheur a encore frappé. On vous en avait parlé il y a peu dans ces colonnes, mais là, stop, on arrête tout : vous devez aller voir cette comédie à l’humour noirissime, cet Affreux, sales et méchants au pays des Bidochon dont les dialogues salés et les situations hallucinantes de mauvais esprit (on y assiste à un casse chez Emmaus !) forment un portrait visionnaire de ce que la France allait devenir quelques années après sa réalisation (en 1985). À savoir, un pays qui vit sur des valeurs risibles (le travail, la famille et la patrie), caricatures grossières et vides de ce qu’elles furent dans le temps. Vulgaire et incapable de s’ouvrir au changement sans tomber dans le cynisme (géniale et prophétique vision finale de Smain en député socialiste beur !), le pays est concentré dans cette famille de pauvres détestables que leur connerie finit par faire avancer socialement. L’affiche originale de ce film génial et méconnu résume le festival dans son ensemble : un bon coup de pied dans les parties qui remet pour un temps les idées bien en place !L’Étrange festival
Au Comœdia du 1er au 7 avril.

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