Films en salles le 4 octobre

Grosse semaine du côté des sorties ciné, avec trois films à voir (dont "Le Ravissement" et "Le Règne animal") et deux documentaires. Sus aux salles !

À voir

★★★☆☆ Le Règne animal

Dans un futur immédiat, une épidémie incurable de mutations transforme les humains en animaux, que les autorités regroupent dans des “réserves“. Pour suivre sa femme atteinte par le mal, François et son fils Émile de 16 ans s’installent dans une nouvelle région. Émile présente alors les premiers symptômes…

Deuxième film de la rentrée après Acide à extrapoler légèrement une évolution dans notre société, Le Règne animal opte pour un changement “interne” via la modification génétique. Mais ce que les Marvel ont popularisé sous un jour grand-guignolesque, spectaculaire et bariolé devient au pays de Jacob et Monod presque réaliste et volontiers sombre — dans l’image comme dans l’ambiance. La mutation équivaut à une relégation sociale puisque les “bestioles“ sont exfiltrées et parquées ensemble (comment ne pas penser aux léproseries de jadis ?) autant qu’elle semble priver les sujets atteints de leur passé humain (comment ne pas penser aux malades d’Alzheimer ?). Quant à Émile, qui assiste avec un mélange d’effroi et de fascination à sa propre métamorphose, il n’est pas aberrant de voir dans son parcours initiatique une métaphore de cette période en dents-de-scie qu’est l’adolescence. Le postulat fantastique du film n’est en définitive que l’outil de paraboles parlant d’ici… et de maintenant.

Candidat malheureux à la représentation hexagonale pour l’Oscar du meilleur film en langue étrangère (la commission d’experts a préféré viser l’estomac au sens propre du terme avec le plus consensuel et classique opus gastronomique La Passion de Dodin Bouffant), Le Règne animal ne manque pourtant pas d’atouts pour convaincre un public outre-Atlantique volontiers réceptif aux thématiques développées par le cinéma de genre (potentiellement “remakable”), aux questions de ségrégation de minorités ainsi qu’à l’hommage — assumé — à Sidney Lumet  concluant le film. Baste ! Il peut encore avoir un succès monstre en France.

De Thomas Cailley (Fr., avec avert. 2h08) avec Romain Duris, Paul Kircher, Adèle Exarchopoulos…


 ★★★☆☆ Notre corps 

Habitant à proximité de l’hôpital Tenon, la cinéaste Claire Simon accepte la proposition de consacrer un documentaire au service gynécologique de l’établissement, lui permettant de parler de l’identité féminine à travers le corps à tous les âges de la vie, de la néo-nat’ à la gériatrie. Son projet prend une nouvelle inflexion lorsqu’elle se découvre en cours de tournage atteinte d’un cancer du sein : elle passe alors devant la caméra comme patiente, parmi les autres, le temps de son traitement…

D’aucuns (d’aucunes ?) pourraient être intimidés par la durée “wisemanesque“ de ce documentaire fleuve. Mais ne faut-il pas au moins cela pour examiner, ausculter ce corps féminin dont on sait en définitive si peu, y compris les principales concernées ? L’approche “hospitalière” est en cela singulière qu’elle abrase les différences sociales et permet d’entrer plus aisément dans l’intimité des sujets filmés, qu’ils soient soignants ou soignés. La fragilité, l’espoir ou le désarroi se mêlent en composant une fabuleuse palette d’émotions humaines autour de l’alchimie de la vie : Notre corps est souvent édifiant notamment lorsqu’il présente les consultations de personnes ayant effectué leur transition atteignant la ménopause (de nouvelles problématiques se posent alors) comme les coulisses de la procréation médicalement assistée. Drame en soi, l’irruption de la maladie de la cinéaste se vit comme un symptôme tragique de son empathie coutumière autant qu’un bien involontaire effet de suspense. Traité sans aucune complaisance ni voyeurisme, il ajoute au contraire de l’humanité à un film qui en déborde.

Documentaire de & avec Claire Simon (Fr., 2h48)


★★★☆☆L'Air de la mer rend libre 

Alors qu’il est épris d’un homme, Saïd a accepté le mariage que sa famille a arrangé avec la mère de Hadjira, afin d’avoir la paix. Si le couple semble avoir trouvé un modus vivendi, Saïdi se noie dans les aventures fugaces tandis qu’Hadjira aspire à la maternité ainsi qu’à travailler. Des vents contraires…

Cinéaste un peu trop rare mais toujours pertinent, Nadir Moknèche signe ici une histoire tout à fait contemporaine… et à l’universalité incontestable puisque l’on retrouve des échos à L’Air de la mer rend libre dans Garçon d’honneur (1993) du Taïwanais Ang Lee, Mariage tardif (2001) de l’Israélien Dover Kosashvili ou Joyland (2022) du Pakistanais Saim Sadiq. Preuve que la tyrannie exercée par une famille sur les destinés conjugales de ses enfants n’est pas le (triste) privilège d’une époque, d’une latitude ou d’une culture : l’émancipation est ici autant à gagner pour Saïd que Hadjira. Ce n’est sans doute pas un hasard si ce film insistant tant sur les mécaniques répétitives du travail et la surveillance continue des aînés, est lui-même compartimenté en chapitres titrés d’après les prénoms des personnages. La liberté se conquiert hors du groupe, en s’individualisant ou en trouvant son alter ego — à l’instar de la voisine Fariza, incarnée par Zahia Dehar, femme d’à côté simple et solaire entre Bardot (pour le phrasé) et Sophia Loren (pour la silhouette). Celle-ci complète une distribution harmonieuse emmenée par la découverte  Youssouf Abi-Ayad ainsi que Saadia Bentaïeb (dans le rôle la mère), omniprésente en cette rentrée sur les écrans. Tant mieux.

De Nadir Moknèche (Fr., 1h30) avec Youssouf Abi-Ayad, Kenza Fortas, Saadia Bentaïeb…


★★★☆☆L'Autre Laurens 

Détective sur la touche et dans la dèche, Gabriel Laurens est recruté en Belgique par sa nièce pour qu’il enquête sur la disparition de son défunt père, le jumeau de Gabriel avec lequel celui-ci était en froid. En maugréant, le limier suit sa nièce dans le Sud-Ouest sur les traces pas très nettes de “l’autre” Laurens…

Film noir évoquant Chandler par son ambiance ténébreuse et le caractère désenchanté de son (anti)héros ne faisant rien pour se rendre sympathique, L’Autre Laurens repose sur ses atmosphères interlopes, ses personnages périphériques troubles (une bande de motards patibulaires jouant les ange-gardiens) et ses faux-semblants : ce que l’on voit ne doit pas surtout être pris pour argent comptant, à l’image du décor principal, le Château de Rastignac, intrigante réplique périgourdine de la Maison blanche étasunienne. À la lisière du surréalisme belge — grâce au duo de flics décalés façon coryphée campés par Rodolphe Burger et Francis Soetens, fidèle de Claude Schmitz — et du thriller, ce film fort joliment composé ne cesse de fasciner à force de dérouter. La présence du (toujours) précieux Olivier Rabourdin n’y est pas étrangère, bien secondé par une intéressante découverte, Louise Leroy. À suivre, comme on dit en filature.

De Claude Schmitz (Bel.-Fr, 1h57) avec Olivier Rabourdin, Louise Leroy, Kate Moran…


★★★☆☆Je vous salue salope : La misogynie au temps du numérique

Elles vivent à Bennington dans Vermont, à Montréal, à Paris ou à Rome ; engagées publiquement ou non, quatre femmes témoignent des campagnes de cyber-harcèlement dont elles ont été les victimes. Profitant d’un flou juridique, une nouvelle violence qui n’a rien de virtuel se répand comme la peste…

A priori, une Youtubeuse, une présidente de la Chambre des députés italiens, une représentante démocrate et une enseignante québécoise n’ont pas grand chose en commun… si ce n’est le fait d’être des femmes. Exposées à des “raids” publics dévastateurs, elles ont parfois vacillé, trouvant peu d’aide du côté de la loi. Alternant leurs histoires et leur récits, ce documentaire québécois prend le temps de leur donner la parole — donc, de leur permettre d’être enfin écoutées et entendues. Il revendique d’ailleurs avec honnêteté dès les premières secondes un parti-pris militant mais totalement compréhensible : celui de ne pas tendre leur micro aux agresseurs, qui ont eu suffisamment d’occasions de déverser leur haine. On regrette qu’il n’y ait pas de message de contrition de quelque “repenti“ : tel quel, le film ne laisse guère d’espoir en une amélioration des choses.

De Léa Clermont-Dion & Guylaine Maroist (Can., 1h20) documentaire avec Marion Seclin, Laura Boldrini, Kiah Morris, Laurence Gratton…

 

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