"Retour à Bollène" : À l'origine

Retour à Bollène
De Saïd Hamich (Fr-Mar, 1h07) avec Anas El Baz, Kate Colebrook...

Retrouvailles que vaille / Producteur du déjà convaincant Vent du Nord, Saïd Hamich signe de brillants débuts dans la réalisation avec cette chronique amère d'un retour au pays pour un enfant du Vaucluse. Un portrait à la serpe de cette France non inclusive poussant à l'exil et au communautarisme.

Brillant élève ne trouvant pas de stage ni de boulot à Bollène, Nassim a été forcé de s'expatrier à Abu Dhabi il y a des années, où il a réussi. De retour pour quelques jours au pays avec sa fiancée anglophone, il mesure combien le fossé s'est creusé entre ce qu'il est devenu, les siens et sa ville.

L'enfant prodigue, le retour ? Pas vraiment... Dans la vraie vie, celle de la France de 2018 où fleurissent sur la misère ambiante une économie de petit trafics et un nationalisme haineux ; où se développe en réaction à l'exclusion un nouveau penchant pour la religion (le “repli communautaire“ ?), on ne tue pas le veau gras quand l'exilé rentre au bercail. Mais on compte les plaies, on mesure le gouffre qui s'est élargi entre lui et ceux qui sont restés.

Home au fils

Le contraste est saisissant pour Nassim (Anas El Baz, formidable de gravité), dont la fierté légitime d'homme accompli se fracasse sur les contreforts de la réalité. Débarquant d'une contrée — pourtant peu permissive, soit dit en passant — où tout lui semble promis, il se retrouve déconnecté, avec l'impression de se promener dans un champ de ruines : même le modèle de sa jeunesse, le chantre de la méritocratie républicaine qui lui a mis le pied à l'étrier, n'est plus que l'ombre de lui-même ; un fantoche gagné par l'aigreur et aux idées de l'extrême-droite. Il y a hélas beaucoup de Bollène dans l'Hexagone.

Retour à Bollène ne serait qu'un constat social et politique, il remplirait déjà largement son contrat. Mais il se double d'un profond voyage introspectif : n'étant pas en paix avec ses racines, Nassim peine à s'attacher et fonder un foyer. La cause principale de ce trouble est à trouver dans sa relation difficile avec son père absent — un père ayant plusieurs familles et une affection qu'on devine discrète. Là réside sans nul doute le réel motif de ce retour aux sources pour le farouche Nassim, vainqueur à : triompher du passé pour se construire un futur. On a rarement raconté autant de chose en si peu de mots et en à peine plus d'une heure. Bravo.

Retour à Bollène de Saïd Hamich (Fr.-Mar., 1h07) avec Anas El Baz, Kate Colebrook, Saïd Benchnafa...

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