Anne & Minh ramènent leur fraise

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Portrait / Installés à Veauche, Anne & Minh se font peu à peu une place sous le soleil-levant du manga. Leur principe de vie ? « Il n’est jamais trop tard pour réaliser ses rêves ». Rien de surprenant, lorsqu’on connait leur histoire.

C’est avec des sourires bienveillants et une gentillesse non feinte, qu’Anne et Minh ouvrent la porte de leur maison, un jeudi de la mi-septembre. Quelques « petits trucs à grignoter » et un verre de thé glacé plus tard, les deux mangakas se lancent, à tour de rôle, dans le récit de leur folle aventure. Un discours dans lequel s’entrelacent passé et présent, pro et perso, chance du hasard et destinée, et qui raconte comment, un beau jour, deux amoureux animés par la même passion décident de se lancer.

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Au tout début de l’histoire, il y a deux gamins qui, chacun de leur côté - lui à Marseille, elle à Valencienne – aiment gribouiller. Nous sommes dans les années 90, et au même moment à travers le petit écran, le Club Do’ occupe aussi leurs mercredis après-midi… Alors forcément, au bout des crayons des deux enfants, ce sont des personnages de mangas qui s’animent sur les feuilles de papier blanc. Et puis les années passent. Chacun grandit, et abandonne le dessin pour se consacrer au reste de la vie. Il faut dire qu’à cette époque, le manga n’a pas forcément bonne presse. Tant pis, on met de côté. Études, travail, vie de couple… Lui devient ingénieur, elle, travaille dans la fonction publique, en région parisienne où elle a atterri après avoir quitté le Nord de son enfance. Pour Anne comme pour Minh à cette époque, le manga est devenu un hobby confidentiel, qui passe essentiellement par la lecture, et la découverte de multiples univers.

Une rencontre... passionnelle

Il y a une dizaine d’années, pourtant, leur rencontre va tout bouleverser. « On sortait tous les deux de relations dans lesquelles on ne pouvait pas partager notre passion avec l’autre, et c’était assez frustrant, expliquent Anne & Minh presqu’en chœur. Chacun de nous voulait donc rencontrer quelqu’un qui ait le même centre d’intérêt. Finalement, le manga nous a réunis… Et remis le pied à l’étrier ». Car, enfin libres de manifester leur fascination pour le genre, les deux amoureux vont de nouveau ressentir le besoin de s’exprimer. A l’occasion de leur mariage, ils ont l’idée (tardive !) de dessiner eux-mêmes leur plan de table avec de petits personnages. Après quelques semaines de rush pour parvenir à tout boucler dans les temps, la création convainc les 75 invités… Et laisse, une fois la cérémonie passée, les deux mariés un peu désœuvrés. « Lorsque tout a été terminé, on s’est rendu compte que ça nous manquait, de ne plus dessiner tous les jours. Alors, on s’est juste dit qu’on pourrait continuer. »

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Continuer… Sauf qu’à ce moment-là, Anne & Minh ne sont déjà plus tout à fait dans le simple loisir créatif. Non, ce dont ils rêvent, eux, c’est de vivre un jour du manga. Mais quelques planches plus tard, le couple va déchanter un peu : « On s’est rendu compte que ça nous prenait énormément de temps. Et puis, en allant en convention, on a compris que les mangakas pro dessinaient entre 10 et 15 heures par jour. Alors, avec chacun un boulot… ça paraissait compliqué d’y arriver. Dans le manga français, tu n’as pas droit à l’erreur. Il s’agit d’une niche dans la niche, le marché est tout petit, donc il n’y a que très peu d’élus… »

De concours en concours...

Alors, pour ne pas battre en retraite, Anne & Minh décident de participer à des concours. Quelques planches, pour une histoire à scénariser et à dessiner à partir d’un thème donné avec, à la clé, des prix à décrocher, des yeux de spécialistes dans lesquels taper et, au minimum, un super moyen de progresser. Après chaque concours passé, le couple envoie systématiquement ses planches à des éditeurs, pour avoir des avis, et continuer à développer son style en suivant les conseils des experts.

« Lire et faire du manga, ce sont deux choses totalement différentes. Il y a énormément de codes, et on a dû passer beaucoup de temps à les décrypter. Il a fallu que l’on apprenne à construire un scénario, notre œil a beaucoup évolué, notre univers de base également. Mais on a toujours eu des retours encourageants, c’est ce qui nous a d’ailleurs permis de ne pas lâcher, et de progresser. »

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Et puis un beau jour, Anne & Minh décident de préparer un concours japonais destiné à l’international. La contrainte : qu’il puisse être lu par tout le monde, et qu’il soit donc dessiné sans texte. A l’arrivée, le duo présentera en 17 planches, l’histoire de deux frère et sœur orphelins adoptés par deux familles différentes. Un one-shot émouvant, sur lequel les lecteurs du monde entier peuvent mettre leurs propres mots. Salué par le jury, le manga va surtout taper dans l’œil des éditions Nazca.

Ichigo Stories, premier manga publié

Entre temps, Minh a quitté son boulot d’ingénieur, pour se consacrer à sa passion. Anne, elle, travaille toujours dans la fonction publique, en attendant que, peut-être, la mayonnaise monte… Et elle va monter. Après avoir vu ces premières planches, la maison d’édition veut en voir d’autres. Anne & Minh lui envoient alors tous les one-shots écrits et dessinés pour les concours auxquels ils ont participé jusque-là… Et là, tout s’emballe. Un super deal est signé entre les deux parties pour la publication d’un recueil de tous ces one-shots, et dans le même temps, une campagne Ulule est lancée sur le net… Elle atteindra 3 fois le montant demandé. « A ce moment-là, on a compris que notre vie allait changer », sourient les amoureux.

Au printemps 2022, Ichigo Stories voit le jour. « Ichigo » comme la fraise au Japon, « Ichigo » comme le prénom mixte également. « Ichigo », à présent, comme un manga qui se dévore de la première à la dernière page (mais de droite à gauche s’il vous plait), et qui regroupe 6 histoires courtes aux univers différents… Dont le trait d’union se trouve finalement dans la thématique unique et centrale du recueil. Car c’est là que se situe finalement tout le talent des deux mangakas. Pour chacune de leurs histoires, Anne & Minh puisent leur inspiration dans leurs propres vies et dans les émotions qui en découlent. En traitant systématiquement des liens familiaux, ils parviennent ainsi à mêler avec panache de l’aventure, des sentiments de toutes sortes, de l’humour et de la réflexion, le tout, sous un trait précis et des scénarios bien ficelés qui accrochent le lecteur.

Avec 5500 exemplaires publiés jusque-là, le couple se retrouve aujourd’hui embarqué dans une fabuleuse histoire. Celle de deux quarantenaires qui ont su croire en leur rêve et s’y accrocher, et qui sont bien décidés à ne pas le lâcher. Installés dans le Forez depuis 2013 (région dont ils apprécient le calme, ainsi que l’accueil et l’hospitalité des gens), Anne & Minh ont aujourd’hui trouvé leur rythme. Et, si Anne travaille pour l’instant toujours dans la fonction publique, quelque chose nous fait dire que tous deux seront bientôt mangakas à plein temps. D’ailleurs, quand ils ne sont pas à Veauche, ces deux-là arpentent désormais les routes de France dans tous les sens, roulant de convention en convention, où ils sont aujourd’hui accueillis avec une crédibilité qui ne trompe pas. « Tout cela est assez fou, quand on y pense. L’une de nos plus belles récompenses, c’est de rencontrer sur des salons des gens qui feuillettent quelques pages de notre manga, et qui l’achètent, sans qu’on ait besoin de le pitcher ». Une reconnaissance à raison, pour toute la générosité dont Anne & Minh font preuve, dans leur travail comme dans la vie.


Anne et Minh, Ichigo Storys aux éditions Nazca. En dédicaces sur le stand H10 de la Grande Librairie (chapiteau Hôtel-de-Ville) les 14, 15 et 16 octobre à l’occasion de la Fête du Livre de Saint-Étienne. A noter que Minh donne actuellement des cours de mangas au centre social de Villars.

Découvrir le compte Insta des mangakas :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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