Gai comme un P. Hinson

Musique / En trois albums essentiels, le jeune Texan Micah P. Hinson, armé de sa voix de vieux bluesman et d’un lyrisme fulgurant, a déballé ses tripes, inventé le gospel rock et mis de la tristesse dans la country music. Christophe Chabert

Quand on écoute pour la première fois Micah P. Hinson, en plus d’avoir les poils qui se dressent sur les bras, on pense découvrir une gloire oubliée du rock américain, un type qui a écumé les saloons texans avant qu’un producteur malin ne mette la main sur cette perle rare et le propulse dans le monde de l’indie-rock. On est loin de la vérité… Hinson n’a que 24 ans quand il enregistre son premier disque, Micah P. Hinson and the gospel of progress. Et c’est déjà un chef-d’œuvre. Le nom du groupe qui l’accompagne est en fait une déclaration d’intention : comme les chanteurs de gospel, Hinson écrit des textes qui ne sont que la répétition d’une même phrase qu’il fait monter progressivement vers les sommets, comme une lamentation arrachée à ses propres tripes. Ce lyrisme viscéral ne sort pas de nulle part ; à 20 piges, Hinson avait déjà connu la taule, l’accoutumance (aux «anti-douleurs», dit la bio) et les rixes qui se terminent par un dos en morceau. Autant dire que cette voix ébréchée est le miroir d’une vie déjà bourrée d’impasses et d’accidents, que seule l’autoroute de l’écriture et de la musique a pu remettre dans le droit chemin. Multi-instrumentiste talentueux, il sait transformer ses mélodies en flambées de rock incandescent, qui laissent à bout de souffle et au bord des larmes. Pour son deuxième album, encore plus beau que le précédent, c’est avec un orchestre appelé The Opera circuit qu’il renouvelle l’exploit : de l’épuré Diggin a grave, lorgnant vers la country, jusqu’à l’éblouissant You’re only lonely, pic majestueux de rock en apnée, Hinson démontre qu’il en a sous le capot.Fleurs et couronnes
Troisième disque, troisième formation : cette fois, c’est le Red light orchestra qui l’accompagne, et Hinson semble se rapprocher de ses racines texanes en revisitant ouvertement la musique country. Plus de cordes, moins de piano, et surtout une mélancolie nouvelle, qui vient colmater la brèche ouverte par la colère des deux premiers albums. Car Micah P. Hinson semble aller vers la sagesse, comme Clint Eastwood dans son sublime Gran Torino, et cette rédemption typiquement américaine se traduit chez lui par des chansons apaisées, toujours à fleur de peau mais moins la fleur au fusil. Presque fleur bleue, même : sur les clichés qui illustrent l’album (signés Hinson, très bon photographe aussi !), la femme de sa vie lui sert de modèle. L’amour triomphe toujours, dit-on… À écouter les chansons de Micah P. Hinson, on serait prêt à le croire !Micah P. Hinson
Au Sonic, lundi 20 avril
«Micah P. Hinson and the red light orchestra» (Full time hobby / PIAS)

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