La folie du roi Jack

Dernière Ciné-collection de la saison : "Vol au-dessus d’un nid de coucou", le passeport hollywoodien de Milos Forman, une comédie de l’aliénation mentale et un réquisitoire contre l’institution psychiatrique, avec un Jack Nicholson au bas mot monstrueux. CC

Sur quelques notes à la scie musicale de Jack Nitzsche, le soleil se lève sur un paysage paisible à flancs de montagne. Ici se trouve un hôpital psychiatrique où MacMurphy, condamné dans un premier temps à de la prison, va être interné. De toute évidence, le roublard MacMurphy n’a rien à voir avec les malades alentours, mais simule la folie pour mieux s’évader. Il se heurte à l’infirmière en chef, Miss Ratched, une peau de vache autoritaire qui maintient les patients dans un état de soumission, y compris ceux qui sont là de leur plein gré. Car MacMurphy va découvrir que ses homologues sont pour la plupart des volontaires, incapables d’assumer leur retour à la vie civile. Vol au-dessus d’un nid de coucou déploie ainsi avec maestria son double discours : d’un côté, une comédie picaresque sur l’inadaptation sociale transformée en pathologie ; de l’autre, un réquisitoire contre les méthodes de la psychiatrie à l’époque (1975), où l’abrutissement médicamenteux, les électrochocs et finalement la lobotomie sont l’horizon principal des soins.

Droit d’asile

Vol au-dessus d’un nid de coucou est la première réalisation aux États-Unis de Milos Forman, qui poursuivait ainsi sa brillante période tchèque interrompue suite au durcissement de la censure communiste. Le sujet se prête particulièrement à ce transfuge, puisqu’il lui permet de retrouver son regard d’observateur amusé du réel, sa caméra traînant autant du côté de la petite communauté et de ses mœurs que du côté de MacMurphy. Même quand le cinéaste s’attarde sur son personnage principal, c’est par exemple pour un long plan fixe et silencieux où il lutte pour ne pas s’endormir. La patience et la précision de la mise en scène sont si puissantes qu’elles font oublier qu’on a affaire à des acteurs (et il y en a beaucoup ici qui, par la suite, feront une sacré carrière : Danny De Vito, Christopher Lloyd, Brad Dourif…), même si, évidemment, Jack Nicholson compose un inoubliable MacMurphy. Comédien extrême, expansif, cabotin dans le meilleur sens du terme, il trouve ici un rôle à sa démesure, où il doit non pas jouer le fou, mais l’homme sain qui dérange par son insoumission la routine de la folie. «Il n’est pas fou, mais il est dangereux», dit un des experts de MacMurphy. Nicholson impose par son jeu cette menace à un ordre social qui s’est construit sur du désordre. Il le fait si bien que cette année-là, il ira chercher son premier oscar — Forman remportera celui du meilleur réalisateur et du meilleur film.

Vol au-dessus d’un nid de coucou
De Milos Forman (1975, ÉU, 2h10) avec Jack Nicholson, Louise Fletcher…
Dans les salles du GRAC, jusqu’au mardi 6 juillet.