Rentrée ciné : Boulevard du film

C’est littéralement un boulevard qui s’offre au cinéma hexagonal en cette rentrée. Stimulé par un été idyllique dans les salles, renforcé par les très bons débuts de la Palme d’Or Anatomie d’une chute et sans doute favorisé par la grève affectant les studios hollywoodiens, l’automne a tout pour combler les exploitants et surtout le public… 

Une fois n’est pas coutume, on commencera par la fin. En particulier celle du monde : les cinéastes semblent la percevoir comme imminente, ce qui développe chez certains une propension aux récits fantastico-crépusculaires où peut se lire — hélas — une simple extrapolation du notre quotidien. La preuve en quelques films : Just Philippot évoque des intempéries meurtrières dans Acide (le 20/09, par ailleurs grand film social) ; Stephan Castang aborde la sur-violence sociétale dans l’inquiétant Vincent doit mourir (15/11) avec l’épatant duo Karim Leklou/Vimala Pons ; quant à Thomas Cailley, il envisage une épidémie de mutations transformant les humains en bestioles dans Le Règne animal (04/10). Si le titre du nouveau Radu Jude s’avère plus explicite (N’attendez pas trop de la fin du monde, le 27/09) cet objet mi-théorique, mi-réaliste n’a pas besoin de flirter avec le fantastique pour montrer que nous dansons au bord de l’abîme : il ne fait que révéler le cynisme et l’hypocrisie sans limite du système capitaliste, usant d’une fausse compassion avec ses victimes pour en tirer davantage de profit. On ne rit guère plus devant How to Have Sex de Molly Manning Walker (15/11), abordant simultanément les questions du consentement et de la première fois en suivant de jeunes Britanniques parties s’éclater et se saouler en Espagne (15/11). Et que dire de Rien à Perdre de Delphine Deloget où une mère tente de récupérer le fils qui lui a été retiré par l’ASE ? L’ombre de Lumet plane sur ce film distingué à Angoulême (22/11) au sujet résonant avec L’Enlèvement de Bellocchio (01/11). Nakache et Toledano promettent Une année difficile (18/10) mais leur comédie dramatique sociale finit plutôt bien, à l’instar du documentaire Notre corps (04/10) dans lequel Claire Simon ausculte un hôpital parisien à travers tous ses services avant d’en devenir la patiente imprévue.

Du bon !

Même si les sujets n’inspirent pas toujours une franche alacrité, il y a de quoi s’enthousiasmer pour Le Procès Goldman de Cédric Kahn, palpitant morceau d’histoire s’échappant de la théâtralité des prétoires grâce à une de ces ingéniosités de mise en scène qui sont la marque des grands cinéastes (27/09). Cristal du long métrage à Annecy, Linda veut du poulet ! de Chiara Malta & Sébastien Laudenbach explose comme une bulle d’optimisme bariolé communicatif (18/10). Albert Dupontel revient doublement dans Second Tour (25/10), comédie-thriller sur fond d’élection présidentielle et de politique (si peu) fiction. Grande est la tentation de le rapprocher de l’intrigant L'Autre Laurens de Claude Schmitz, film noir belge à la lisière du surréalisme ou brille (doublement aussi) Olivier Rabourdin. Enfin, quoique classique et au dialogue sur-écrit, La Passion de Dodin Bouffant de Tran Anh Hung remplit son office comme jadis Le Festin de Babette : filmer avec la sensualité qu’il sied la belle cuisine et l’élever au rang d’acte d’amour (8/11). Miam !

Du moins bon

Peu convaincante s’avère en revanche la Caméra d’Or L'Arbre aux papillons d'or de Pham Thien An (20/09), certes joliment contemplatif et adroit techniquement mais confondant spiritualité et religiosité ; annoncé comme une Palme potentielle mais “seulement“ Prix du Jury à Cannes, Les Feuilles mortes (20/09) n’ajoute rien à la gloire d’un Aki Kaurismäki sorti de sa retraite pour cette bluette entre alcool, vieux célibataire gominé et mutisme ; Jessica Hausner “régale“ d’un nouveau pétard mouillé : Club Zero (27/09), coquille suresthétisée vide sur une gourou de l’anorexie ; décevants se révèlent La Rivière, docu passionnant mais foutraque du pourtant adroit Dominique Marchais (15/11) ainsi que La Chimère de Alice Rohrwacher, nouveau conte pétri de réalisme magique inscrit dans une Italie rurale hors d’âge (06/12).

Promesses…

Certains titres ou noms inspirent confiance en cette rentrée qui comptent beaucoup de retours. Tout d’abord Guillaume Nicloux pour une quête avec Fabrice Luchini dans La Petite ; Woody Allen tout en français dans Coup de chance, Luc Besson-réalisateur en compétition à Venise grâce à Dogman (20/09) ; J.C. Chandor fait quant à lui un passage inattendu chez Marvel pour Kraven The Hunter (avec le putatif futur 007 Aaron Taylor-Johnson) ; Ethan Coen signe le road movie féminin Drive-Away Dolls (04/10) ; Yórgos Lánthimos met en appétit avec ses Pauvres créatures et Yolande Moreau joue à La Fiancée du poète (11/10) ; Scorsese et son Killers of the Flower Moon sont très attendus en salles (18/10) ; l’insubmersible Ken Loach nous invitera au comptoir de The Old Oak et la paire Ann Sirot & Raphaël Balboni à succomber au Syndrome des amours passées (25/10) ; Monia Chokri propose une histoire d’amour entre deux partenaires aux antipodes l’un de l’autre dans Simple comme Sylvain (08/11) ; Mandico féminise un barbare dans Conann qui sortira en même temps que Le Temps d’aimer de Katell Quillévéré deux fois lauré à Angoulême et que le nouveau David Oelhoffen, Les Derniers Hommes (29/11). Suivront Bâtiment 5 de Ladj Ly, Et la fête continue de Guédiguian et Soudain seuls de Thomas Bidegain (06/12), Monster de Kore-eda (20/12) précédés par The Holdovers de Alexander Payne et la seconde époque du blockbuster français Les Trois Mousquetaires : Milady de Martin Bourboulon (13/12). Tiens, à propos de choses qui vont par trois ou quatre, n’oublions pas les films d’animation : Nina et le secret du hérisson (11/10) ultime œuvre du tandem Alain Gagnol & Jean-Loup Felicioli ; le futuriste Mars Express de Jérémie Périn, Migration de l’excellent Benjamin Renner (06/12) ainsi que Sirocco et le royaume des courants d'air du non moins brillant Benoît Chieux (13/12).

Les biopics (réels ou arrangés) volent aussi en escadrille : Léa Domenach s’intéresse à Mme Chirac dans Bernadette campée par Catherine Deneuve (04/10), Géraldine Danon flotte dans le sillage de Flo(rence Arthaud le 01/11), Frédéric Tellier signe L'Abbé Pierre - Une vie de combats avec Benjamin Lavernhe (8/11) tandis que Ridley Scott se paie un Napoleon (22/11). Par ailleurs, deux documentaristes s’affronteront avant Noël : Luc Jacquet de retour sur son Continent magnétique et Frederick Wiseman dans les cuisines des Troisgros avec Menus plaisirs (20/12) ; deux romanciers adaptent leur best-seller à l’écran : Gilles Legardinier avec Complètement cramé ! (01/11) et Laetitia Colombani pour La Tresse (29/11). Enfin, puisque c’est son année, Wim Wenders fait une triple apparition : réalisateur de docu avec Anselm (Le Bruit du temps) (18/10), de fiction pour Perfect Days (29/11) et intervenant dans Chambre 999 de Lubna Playoust, inspiré son propre docu Chambre 666. Ensuite ? Ce sera 2024.

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