Album : Berlin: Live At St. Ann's Auteur : Lou ReedDate de sortie : 4 novembre 2008Durée : 1h19Encore un album live, encore par un monument du songwriting venu fouler de ses nobles-pieds-qui-en-ont-vu-tant-d'autres la scène des Nuits de Fourvière !Pour ceux qui n'auraient pas suivi, «Berlin» est donc à l'origine un album-concept des années 70 (non, non, ne partez pas déjà...), narrant la triste et douloureuse histoire des amants Jim et Caroline dans l'ancienne capitale du IIIe Reich. Berlin, alors coupée en deux par la Guerre froide, n'en était pas moins à l'époque, à en croire David Bowie (lui aussi un temps exilé, à la fin des années 70, dans cette ville symbole de l'affrontement Est-ouest), le lieu de «la plus grande extravagance culturelle que l'on puisse imaginer». On ne vous racontera pas la fin, mais il n'est pas très difficile d'imaginer, surtout connaissant le goût peu prononcé de l'ancien leader du Velvet Underground pour la joie de vivre et les happy ends, que comme tous les grands couples mythiques (Roméo et Juliette, Héloïse et Abelard, Cerdan et Piaf, Jacob et Delafon, etc.), leur histoire s'achèvera en drame. À sa sortie en 1973, l'album, déroutant par sa noirceur et son pessimisme radical, fut un flop retentissant aussi bien auprès des critiques que du public, qui attendait sans doute autre chose de Lou Reed après cette enfilade de perles glam-rock interlopes qu'avait été son précédent album, «Transformer» (1972). Lester Bangs (pourtant fan transi de Lou Reed, qui ne le lui a jamais rendu que par un mépris à la hauteur de l'admiration de Bangs) avait ainsi déclaré qu'il s'agissait-là de l'album le plus déprimant jamais produit, et il faut bien reconnaître que la liste des thèmes abordés dans Berlin a de quoi faire fuir – drogue, violence conjugale, homosexualité refoulée, prostitution, maltraitance d'enfants, masochisme, et pour conclure l'inévitable suicide : vas-y, Lou, vends-nous du rêve !Vexé comme un pou par cet échec retentissant, Reed (assez peu connu pour son humilité et sa capacité à digérer les échecs) décide alors d'enterrer cette œuvre maudite et de ne plus y revenir, sauf pour en jouer quelques morceaux en concert en de très rares occasions. Mais en décembre 2006, convaincu par son vieil ami Julian Schnabel (réalisateur du biopic «Basquiat» ainsi que de «Le Scaphandre et le Papillon»), il se décide enfin à présenter l'intégralité de l'album sur la scène du St. Ann's Warehouse. Cette ancienne église de Brooklyn, reconvertie dans les années 80 en temple de la musique rock, peut s'enorgueillir d'avoir accueilli entre ses murs respectables des artistes aussi considérés et considérables que David Bowie, Joe Strummer, Nick Cave ou l'ancien comparse de Reed au sein du Velvet Underground, John Cale.Par rapport à l'original studio, cette version live apporte une dimension épique absente de l'album de 1973 et qui en sublime les arrangements funèbres et les paroles glauquissimes. «Lady Day» (alias Caroline la junkie, ainsi rebaptisée en l'honneur de Billie Holliday) devient ainsi une marche triomphale mais paradoxale vers la déchéance la plus totale, «Caroline Says I» prend grâce à ses chœurs de faux airs de gospel et «Men Of Good Fortune» acquiert pleinement sa dimension véritable, celle d'une relecture reedienne (c'est-à-dire forcément désabusée et distanciée) du concept marxiste de lutte des classes ! Un relifting complet, donc, qui doit beaucoup aux accompagnateurs dont a su s'entourer Lou Reed pour l'occasion, un véritable orchestre comprenant des sections cuivres et cordes et même, comme mentionné plus haut, un chœur d'adolescents recrutés pour l'occasion.Une fois les dix chansons de l'album achevées, Lou Reed revient ensuite pour gratifier son public de trois autres chansons de son répertoire qui ne figuraient pas sur l'album de 1973 : «Candy Says», chanté en duo avec Antony Hegarty d'Antony & the Johnsons, «Rock Minuet», et enfin une interprétation de «Sweet Jane» qui, sans être totalement mollassonne, aurait sans doute gagné à être un peu plus énergique. Lors de sa venue à Lyon il a deux ans, l'autoproclamé Rock'n'Roll Animal nous en avait livré une version bien plus convaincante, accompagnée cette fois-ci de ces deux pépites extraites de «Transformer» que sont «Walk On The Wild Side» et «Satellite of Love». Sans rien renier du magnifique et très touchant «Candy Says» (l'histoire d'un travelo au bout du rouleau qui se demande où est sa place) ni du très trash «Rock Minuet», à côté duquel les bouffonneries grand-guignolesques de Marylin Manson passeraient presque pour des plaisanteries de boy-scout, on se réservera toutefois le droit tout à fait arbitraire et partial de préférer, pour des raisons qui n'ont absolument rien d'objectif, sa playlist des Nuits de Fourvière.

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