Le diable au corps

Avec "Faber, le destructeur", Tristan Garcia signe un roman trépidant sur la France de la fin de l’Histoire, sur ces ados nourris à la littérature, aux accords de guitare rebelles et au mythe des Trente Glorieuses qui errent sans but dans l’âge adulte.

« Cependant, à l’entour de ma course farouche,
Tout se brise, tout meurt. Malheur à qui me touche ! »
Victor Hugo - Hernani

Faber, ou le destructeur. L’histoire d’un enfant précoce, devenu ado hors-norme, puis adulte désaxé. Perdu. Consumé. Un récit à trois voix, où s’expriment tour à tour Faber lui-même, Basile et Madeleine. Ses deux amis d’enfance, qui oscillent entre crainte et fascination, amour et haine. La tragédie en cinq actes prend place dans une ville de province fictive au nom évocateur, Mornay, cité médiocre, grise, sans saveur, dans un pays fatigué, en une fin de vingtième siècle morne et désabusée. Dans ce décor en demi-teintes, le flamboyant Faber scintille comme un feu-follet. Un brasier rougeoyant porteur de vie et de mort. Car l’intelligence hors-norme de Faber confine à la folie. Son génie à la schizophrénie. Doux comme un chaton venant se lover dans les bras de sa maîtresse, rugissant comme un pitbull la seconde suivante. Faber captive, intrigue, effraie. L’attitude la plus sage serait la fuite. Mais comment fuir face à un visage d’ange ?

La plume de Tristan Garcia triture les émotions du lecteur. Tendresse et affection pour Madeleine, amoureuse d’une âme de malheur. Compassion pour Basile, ado timide fasciné par son meilleur ami au point d’y perdre son identité. Empathie pour Faber, enfin, à qui l’auteur donne une voix étrange, entre ombre et lumière, nimbée de démence. Un personnage fictif qui finit par devenir réel, un talent qui se mue en malédiction, un messie qui prend le visage du diable, une flamme qui consume son porteur de l’intérieur autant qu’il illumine son entourage. Car Faber, le jeune prodige, sème le malheur dans son sillage. Ses proches meurent les uns après les autres ou se tuent à petit feu dans l’abîme laissé par son absence. Lui-même, devenu adulte, n’est plus qu’une ombre vacillante, un clochard privé d’âme-sœur.

Tristan Garcia signe un roman trépidant sur la France de la fin de l’Histoire, sur ces ados nourris à la littérature, aux accords de guitare rebelles et au mythe des Trente Glorieuses qui errent sans but dans l’âge adulte. Une épopée tragique qui laisse un goût amer. Le quotidien, la grisaille, la banalité, l’échec, l’espoir, l’attente, les regrets, la lassitude. Et au milieu des décombres, à demi-mort mais l’œil toujours vif, Faber. Le destructeur.

Faber – Le destructeur, un roman de Tristan Garcia, Gallimard, 21, 50 euros.

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