Un "premier amour" déroutant

Sami Frey connu pour son remarquable parcours dans le monde de la télévision, du cinéma et du théâtre se tourne aujourd'hui vers Beckett pour adapter Premier amour qui à la base n'est pas une pièce de théâtre.

Premier amour c'est cette "histoire d'amour" ou plutôt ce qui par défaut relève de l'amour dans une histoire. Il s'agit de cet homme seul, mis à la porte après le décès de son père qui va trouver refuge loin de ses semblables. Il flane dans les cimetières, erre sur des bancs déserts. C'est ainsi qu'il rencontre Lulu, une femme qui vient le déranger sur son banc en lui dérobant son espace. Il finit alors par la chasser mais se rendra vite compte qu'il existe un lien entre elle et lui au-delà de ce banc.

C'est semble-t-il à la fin de sa vie, tout comme Beckett enfermé dans une maison à la fin de son existence, qu'il écrit et raconte ce premier et unique amour. Sami Frey a décidé de garder cet aspect de mémoire. Il est seul sur scène assis sur un des deux bancs présents. Une lumière rouge au dessus de lui semble l'alerter de chaque évolution à faire dans ses pensées. Elle sonne dès qu'il s'éloigne trop de "la zone" qui lui est reservée ou de son sujet. Il écrit certaines de ses pensées sur le mur derrière lui, comme l'on écrit quelques mots sur une pierre tombale. Fait-il le deuil de son amour ?

Dans le même temps, Sami Frey met en scène la musicalité et la poésie de Beckett, relève les jeux de mots et petites blagues qui semblent étouffés dans le texte par la noirceur de ce songe lointain. Cet aspect léger entre en conflit avec le bruit strident de l'alarme et les sons réguliers et angoissants qui emplissent la salle de manière régulière.

Pour conclure c'était inattendu de voir Premier Amour mis en scène alors que ce n'était pas d'origine une pièce de théâtre toutefois Sami Frey a su lui donner vie sans lui ôter sa nature de récit. C'est une belle performance de sa part et une thématique rare de l'amour !