Highway to Hellphone

Passés des bancs du lycée à la BO d'un blockbuster français en un rien de temps, la trajectoire des anglo-canado-auvergnats The Elderberries est fulgurante. Comme leur album Nothing Ventured, Nothing Gained qui coule un (heavy) metal bien trempé dans le chaudron arverne. Stéphane Duchêne

Au premier abord, The Elderberries apparaissent comme une version juvénile de Stillwater, le vrai-faux groupe du film Almost Famous de Cameron Crowe : cheveux longs, futals 70's à pattes de mammouth laineux et tee-shirts rock taille 6 ans. Pas vraiment l'image que l'on se ferait des rejetons d'une poignée d'ingénieurs de chez Michelin. C'est pourtant bien l'industrie de la Motor City auvergnate qui a réuni ce quintette multinational à peine majeur : s'il y a bien un bougnat pour tenir les fûts (Yann Clavaizolle, fils de Denis, ancien compère de Murat et tenancier du label du groupe), les quatre autres cinquièmes du groupe sont Anglais ou Canadien, atterris à Clermont-Ferrand au gré des carrières parentales. Mais aussi parce qu'en rock n' roll il n'y a ni hasard ni coïncidence : Clermont est un peu le Detroit français, fleuron de l'industrie automobile mais aussi, de plus en plus, de cette musique amplifiée qui les fascine. Fin 2006, la compilation initiée par la Coopérative de Mai (MC1 Back in Clermont-Ferrand, clin d'œil au Back in the USA du MC5) démontrait la richesse d'une scène locale squattant elle aussi dans le garage (forcément) des Stooges. Outre The Kissinmas, féroces compétiteurs de Dandelyon et de la compilation CQFD l'an dernier, The Elderberries, y affûtaient leurs armes : «au-delà de la pub qu'elle nous a faite, cette compilation nous a mis au défi d'enregistrer un titre en une journée : on a aimé cette expérience», confie Ryan Sutton, guitariste originaire de la Belle Province. Vamp en bikiniPassage remarqué à Bourges, premières parties musclées dont celle de leurs idoles néo-zélandaises, qui, toujours pas de hasard, portent le nom d'une marque de voiture : The Datsuns («quand on les a vu à la Coopérative De Mai, on a pris une claque et ça nous a décidé à faire ce rock très 70's»), et voilà que les Elderberries se retrouvent, par hasard cette fois, en tête de gondole, chargés de la BO d'Hellphone de James Huth : «La production faisait le tour des maisons de disques pour trouver un groupe sous influence AC/DC. Comme on jouait cette même semaine à Paris, James Huth est venu nous voir et est tombé sous le charme». Soyons francs, ce navet dans lequel le choriste neuneu Jean-Baptiste Maunier, aux prises avec un téléphone portable diabolique, tente d'ébouriffer sa mèche UDF, est au cinéma ce qu'un texto est au roman épistolaire. Mais la chanson titre du film, petite sœur du Big Gun d'AC/DC violentée par le riff de... Éteins la lumière d'Axel Bauer (si, si) fait son office. Et les «Elders» croulent sous les critiques élogieuses jusque sur le site de LCI (La Chaîne Indé ?). Ni complètement garage, ni totalement heavy metal, The Elderberries sont au carrefour d'une Highway to Hell et d'une Stairway to Heaven, y croisant volontiers les inflexions soul de Mitch Ryder. Servi par un son d'époque mitonné dans un chaudron à la chaleur des amplis à lampes, leur sens inné du riff tachycarde allie grosse artillerie et précision de sniper (Once or twice), à l'aise sur petit format (le très punkisant I wanna bit you ou Double Demons sec comme un cou de trique) comme sur les cavalcades longue distance (The Little house). Quant à Chris Boulton, chanteur format hobbit, son jeune organe rivalise sans mal avec quelques-uns des plus illustres singes hurleurs de la branche heavy : de Robert Plant à Bon Scott. De quoi acquérir une vraie crédibilité puisque c'est Chuck Sperry, sommité du graphisme rock (Jello Biafra, The Cramps), qui a dessiné le livret de Nothing Ventured, Nothing Gained, vamp en bikini assise sur un fer à cheval enflammé : «on lui a envoyé le disque et il a tout de suite voulu travailler avec nous. C'est vraiment une légende dans ce métier, et qu'il veuille faire notre pochette nous a mis sous le choc !» Second degré britishBien entendu, il ne faut pas être allergique aux boucles ruisselantes, aux guitaristes agenouillés la tête renversée ou aux miaulements de chatte hérissée sous les coups de crics de Motor City. Et personne, pas même eux, ne vous dira que les Elderberries ont inventé la poudre à canon. Ça ne les empêche pas d'en faire un usage explosif. Dans l'incessant ressac des revivals, ils cultivent une terre, celle du hard rock, brûlée par leurs pairs au moment de rendre les armes. Une terre sur laquelle plus grand monde ne s'est aventuré depuis longtemps, mais qu'ils n'entendent pas labourer jusqu'à la rendre stérile. Rêvant davantage d'une trajectoire ambitieuse que d'une autoroute stylistique rectiligne à la AC/DC : «il n'y a pas de vrai groupe sans évolution musicale. D'ailleurs les nouveaux morceaux qu'on joue en concert sont déjà très différents». Les Naast interdits de cantine suite au récent «Fourchette Gate» et, il faut bien le dire, au bord du lynchage dès qu'ils passent le périph', il se pourrait bien que le garage-metal des Elderberries empoche la mise du jeune rock nostalgique. Eux, au moins, ne se prennent pas au sérieux, qu'il s'agisse de ces paroles teintées de second degré british ou de leur nom, emprunté à une invective culte de Monthy Python, Sacré Graal : «Your mother was a hamster and your father smelt of elderberries». Leur conception du rock ? La devise hédoniste de l'ancêtre d'Almost Famous, This is Spinal Tap, sommet de dérision rock : «Have a good time, all the time». THE ELDERBERRIESAu Double Six Jeudi 26 avril Au Ninkasi KaféVendredi 25 mai

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