Comédien / Si, assez tôt, Jacques Dutronc attire l’attention des réalisateurs de cinéma, c’est qu’il a dès ses premières apparitions sur l’ORTF créé un personnage immédiatement télégénique. Une classe naturelle et décontractée, une lueur ironique et malicieuse dans le regard, une capacité presque surnaturelle à trouver des bons mots et à jouer avec son public ; Dutronc est irrésistible sur scène. Dans un album live somptueux enregistré pendant ses mythiques années Vogue, on a un aperçu génial de ce que le chanteur pouvait faire en concert dans les années 60. Entre le cabaret et le tour de chant, dans un petit caveau très Saint-Germain, il multiplie les apartés burlesques, fait participer les spectateurs aux rimes de ses chansons, lance une cassette des "Playboys" plutôt que de l’interpréter en direct, plaisante sur les clichés internationaux de la «bonne soirée parisienne»… Comédien-né, Dutronc avoue aujourd’hui que pour sa nouvelle (et dernière) tournée, il a calmé le jeu et se contente de chanter. On ne le croit qu’à moitié. Il est vrai que son personnage a muté : le cigare, qu’il se met à fumer très tôt, est devenu un accessoire indécrochable de sa panoplie, tout comme les lunettes noires et le blouson de cuir. C'est, peu ou prou, ce Dutronc-là qui monte sur la scène du Casino de Paris au milieu des années 80, effectuant ainsi un premier come-back mémorable qui redonne déjà à l’époque une deuxième vie à ses chansons les plus célèbres — combien de reprises en seront faites par la suite ? Au charme discret de ses jeunes années s’est substituée une force tranquille de séduction, et sa silhouette devient aussi mythique que celle de Gainsbourg dans les années 80. Quelques années après, Dutronc réussira l’exploit de se déparer de cette image figée pour en immortaliser une autre : celle qu’il crée pour le "Van Gogh" de Pialat, qui lui vaudra un César mérité, couronnant une carrière d’acteur faussement dilettante. CC
