Les Cosmogones

Trop discret sur la scène lyonnaise, le trio Cosmos 70 prouve cependant avec “A Poet With Nothing To Say“ que sa musique a des choses à dire. Peu de blabla, mais beaucoup d'élégance derrière ce groupe tout en élégies, spleen et nonchalance. Stéphanie Lopez

Si l'on regardait Cosmos 70 avec l'oeil d'un directeur marketing, on aurait envie de dire aux trois “Cosmogones“ qu'ils sont mal barrés. Peu de goût pour la promo, pas de bagou en interview, l'art de se tenir en retrait, voire de gommer ses atouts... Décidément Michel Robiche, le mélodiste de Cosmos 70, a le profil qui colle à son titre : taciturne et secret, il apparaît comme le parfait Poet With Nothing To Say. Pas moyen de lui tirer la verve du nez, même avec une bière et le support d'Aurélien Pescher (le vidéaste et clavier), assis à ses côtés. L'oeil marketing et la journaliste sont bien emmerdés : «Bon sang les gars, c'est pas comme ça qu'on va faire buzzer les media ! Et puis entre nous, votre petit nom de scène, là, ça n'aide pas. Cosmos 70, non seulement ça ne sort pas de la cuisse de Jupiter, mais ça vous pose un carcan dans l'espace et dans le temps...». Ce qui est dommage, franchement, parce que la musique qui sort de leurs synthés a beaucoup mieux à proposer qu'un aller simple pour les poncifs 70's et les gargouillis d'ET. TOO BEE OR NOT TOO BEE
Heureusement qu'on ne regarde pas la musique d'un oeil marketing. On l'écoute plutôt, les oreilles dressées, promptes à crier au loup dès qu'un disque sort du lot. Or ce printemps, A Poet With Nothing To Say vient confirmer tout le bien qu'on pensait de Cosmos 70 depuis Voices, un premier album qui nous avait mis l'abeille à l'oreille. Signée chez Bee, la triplette formée par Michel Robiche, Didier Blanché et Aurélien Pescher (d)étonnait déjà par ses mélodies douillettes et son onirique palette de pop pastel, plus proche de Scalde et des Marquises, en définitive, que des algorithmes électrofreak de Noone et Paral-lel. C'est d'ailleurs l'une des rares choses que Michel nous martèle : «On n'est pas un groupe de musique électronique. On ne s'est jamais considéré comme tel». Si Cosmos 70 a atterri chez Bee, ce n'est donc pas par amour du beat et des logiciels : juste une histoire de famille, puisque Didier Blanché n'est autre que le frère d'Eric “Praktisch“ (moitié de Paral-lel). Sa science sonore est la bienvenue pendant les concerts et derrière les consoles, mais en dépit de titres trompeurs comme Zombie Nation (qui pourrait être un clin d'oeil au groupe électro du même nom), Cosmos 70 fonctionne davantage comme un groupe pop traditionnel. Leur deuxième album passe d'ailleurs un cap dans l'écriture, et si leur poète n'a «rien à dire» ou presque en interview, il est beaucoup plus loquace au micro, en se découvrant chanteur sur quatre morceaux. «C'est encore un coup d'essai», nous dit Michel. N'empêche que cette nouvelle voix (dont le timbre en apesanteur évoque la pop de Sébastien Schuller) ouvre aussi de nouveaux champs pour la mélodie – qui est sans doute chez Cosmos 70 ce que serait la poésie chez quelqu'un qui écrit. PRINTEMPS DES POÈTES
Du coup, tous les textes sont permis, des Fleurs Du Mal mises en orbite autour de nappes séraphiques, aux mantras slammés lors de répètes arrosées... Quant au titre de l'album, A Poet With Nothing To Say, il est extrait d'un poème de Diane Wakoski, Exorcism, dans lequel le trio s'est reconnu. «C'est une manière de dire qu'on ne se prend pas au sérieux. On ne fait que de la musique. On joue, voilà, c'est juste un jeu». Regard torve du directeur marketing. Pourtant, pour trois Gones en dilettante qui ne répètent qu'une fois par semaine, la musique de Cosmos 70 se pose là : sur le haut de la pile “poptronica“, quelque part entre Air, Broadcast et Boards Of Canada. Une prouesse pour ces pros de la plane qui, souligne Michel, doivent composer «avec les moyens du bord» – c'est-à-dire trois fois rien. «On a tous des métiers à côté, et finalement très peu de temps pour écrire ou répéter. On n'a pas non plus de studio, toutes les prises de voix ont été faites dans ma chambre...». Pas de quoi se la raconter, donc, et pourtant derrière ces têtes qui restent froides, on a envie de braquer les projecteurs. Ne serait-ce que pour rassurer l'auditeur : la musique de Cosmos 70, en vrai, fait bien plus rêver que le discours de ses auteurs. Peut-être même bien que si Air, demain, devait faire un album sans son studio de luxe et avec dix ans de moins, le résultat n'arriverait pas au mollet d'A Poet With Nothing To Say... Qui sait ?COSMOS 70
1981 : Concert de Cure à la Bourse du Travail. Michel n'a pas onze ans lorsqu'il prend sa première claque musicale.
2005 : Création de Cosmos 70, qui choisit son nom après avoir samplé un dialogue d'astronautes sur un 45T trouvé en brocante.
2006 : Aurélien rejoint le groupe initialement formé par Michel et Didier.
2008 : Sortie du premier album Voices.
2014 : Sortie du troisième album enregistré à AbbeyCOSMOS 70
Au Clac'Son, samedi 26 mars Sortie de l’album “A Poet With Nothing To Say“ le 6 avril chez Bee Records

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