Mardi 14 mai 2019 C'est au croisement entre le politique, l'intime et les mystères de la création littéraire que les Assises Internationales du Roman viennent chaque année (...)
Le pouvoir des mots
Par Jean-Emmanuel Denave
Publié Mercredi 2 mars 2016 - 2667 lectures
Photo : Philippe Forest © Catherine Helie, Gisele Sapiro © Hannah Opale
La Fête du Livre de Bron s'interroge sur les puissances et les impuissances de la littérature. Reprenant pour son 30e anniversaire la question "Que peut la littérature ?" posée lors d'un grand débat historique en 1964.
Le 9 décembre 1964, le journal Clarté invitait Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Jean-Pierre Faye, Jorge Semprun et quelques autres à répondre à la question : « Que peut la littérature ? ». Le débat entre le structuralisme et l'existentialisme battait son plein, mais Sartre lui-même, à cette époque, avait dépassé l'idée de l'écrivain ou de l'intellectuel engagé à la Zola ou à la Gide, simple dénonciateur de l'état du monde dans les pages des journaux et des livres.
Il déclarait même en avril 1964 : « J'ai vu des enfants mourir de faim. En face d'un enfant qui meurt, La Nausée ne fait pas le poids. ». Dans son intervention, Sartre se focalise sur l'expérience du lecteur, expérience de liberté selon lui où le lecteur accède à un nouveau sens possible et global de son existence : « il s'agit simplement de lui donner une sorte de sens total de lui-même, avec l'impression que c'est la liberté qu'il y a derrière, qu'il a vécu un moment de liberté, en s'échappant et en comprenant plus ou moins nettement ses conditionnements sociaux et autres. » La littérature n'est pas hors du monde, mais expérience nouvelle du monde, inventant des lignes de fuite contre l'aliénation.
L'écrivain, un bon à rien
En 2014, la Nouvelle Revue Française a reposé cette question historique à une douzaine d'écrivains contemporains : Aurélien Bellanger, Michel Deguy, Edouard Louis, Gisèle Sapiro... Un numéro au sein duquel, parmi un grand nombre d'arguments et d'échanges passionnants, nous retiendrons notamment cette définition de Philippe Forest à la fois dérisoire et sublime du pouvoir propre de la littérature comme : « une sorte d'impouvoir essentiel. (...) Que peut la littérature ? En réalité : pas grand-chose et même rien. Mais c'est de faire retentir ce rien qu'elle témoigne pour le vrai, parlant contre toutes les formes d'aliénation, d'oppression avec lesquelles elle rompt ».
L'idée est proche de celle de Sartre mais va au-delà encore face aux injonctions utilitaires contemporaines. En étant insensée et inutile, la littérature rappelle cette part essentielle de l'Homme qui ne peut être réduite à l'utilité, au fonctionnalisme social ou économique, aux relations de pouvoir et de domination. JED
Que peut (encore) la littérature ? avec Philippe Forest et Gisèle Sapiro
À La Fête du Livre de Bron le vendredi 4 mars à 14h30
La Nouvelle Revue Française, Que peut (encore) la littérature ?, septembre 2014.
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Propos recueillis par Yann Nicol