Demeter, la guerre du feu

Restaurant / Un nouveau restaurant spécialisé dans la viande et la braise vient d'ouvrir dans le 6e : Demeter.

Il y a quelques semaines, on avait évoqué un excellent resto, adossé à un jardin potager, nommé Semo — "graine" en espéranto. Cette semaine, on est allé voir Demeter... Il semble de bon ton, quand on ouvre cette année un restaurant, de se référer à la symbolique paysanne. Déméter ? C’est la déesse grecque des moissons, aussi la mère de Perséphone, elle qui fut enlevée par Hadès et retenue dans le royaume des Morts. Pour protester auprès de Zeus, Déméter inaugura la première grève : avec pour conséquence la famine des humains. Elle n’obtint gain de cause qu’à moitié et ainsi apparurent les saisons. Demeter : on brandit son nom pour évoquer l'agriculture, la vraie, et c’est donc désormais le nom autant d’un label biodynamique lié au courant ésotériste de l'anthroposophie, que d’une cellule de la gendarmerie anti-écolo (et aujourd’hui suspendue), et donc de ce nouveau resto lyonnais (à qui l’on souhaite un meilleur destin). 

Le lien ici avec le monde paysan se situe essentiellement dans le rapport à la viande. L’ambition est de ne travailler que des carcasses entières. Elles sont débitées par le boucher d'à côté et tout le jeu consiste à en faire intégralement usage, « de la tête à la queue ». L’un des tenanciers explique : « si l’on parle d’un canard, on peut servir au déjeuner ses cuisses confites, et le soir [le reste de] la volaille rôtie sur le coffre ». Pour un volatile, dira-t-on,  c’est facile, mais prenons un agneau. « Justement, on sert un agneau du Luberon en ce moment. Les belles pièces, l’épaule, la selle, on peut les servir le soir à partager. Pendant la nuit on fait confire le gigot pendant 7 heures, on utilise les os pour un jus et ça donne un plat du déjeuner ». On ne va pas passer en revue toute la ménagerie, mais on travaille ici de la même manière le cochon ou le bœuf (en quart, tout de même).

Un foyer ouvert

Pour accroître le caractère quelque peu cromagnonesque de la chose, ajoutons que la viande est cuite au feu de bois. De deux manières : d’abord dans un four à braise, « qui fonctionne au charbon, et qu’on peut pousser jusqu’à des température de près de 400 degrés », et puis un foyer ouvert, un genre de barbecue, qui permet de saisir et de travailler les fameuses réactions de Maillard, réactions chimiques qui font gigoter la cystéine, un acide aminé qui, en réaction avec les glucides, produit des molécules bien salivantes. Et dont l’ennemi est l’humidité, donc les faibles températures.

Pour en revenir au feu, celui de Demeter, il est mis au centre, dans une cuisine complètement ouverte qui scinde l’espace en deux salles à manger. Pour manier les braises on retrouve, en pull marin et Dr Martens, Jona­than Alva­rez, qu’on avait goûté chez Arsène, Pistache ou Solal, tous désormais fermés. Il délivre ici, comme par le passé, une cuisine franche, directe, avec quelques touches méditerranéennes.

La semaine dernière au déjeuner, on pouvait commencer par des fleurs de brocoli et son tronc tranché, et sa variante branchée (le cime di rapa), le tout blanchi, puis rôti, et posé sur un labneh, saupoudré de zaatar et de persil haché. Ça illuminait une de ces journées grisâtres de janvier. Ensuite on retrouvait, soit des tagliatelles, tirées à la main, aux champignons ou, pour nous, le parmentier d’agneau de 7 heures, servi de manière régressive dans un bol et avec une cuillère. Il faut dire que la purée était plutôt souple et la viande toute fondante, quoique puissante.

Enfin, moins marrant, le financier au chocolat, crémeux citron, gel d’agrumes, et poudre au chocolat un peu poussiéreuse. À noter une sacrée carte des vins, plus de deux cent références, on a vu qu’il y avait Henri Milan le pape des Alpilles au verre et sinon, pour rester en Provence, l’excellent Château Simone à la bouteille. 

Demeter
56 rue Tronchet, Lyon 6e
De midi à 13h45 et de 19h30 à 21h45 ; fermé dimanche et lundi
Menu 26€ le midi ; plats de 22 à 36€ ; verres de vin de 7 à 12€

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