Mardi 1 février 2022 Talentueuse, maitrisant parfaitement l’exécution d’un spectacle choral et complet, Tiphaine Raffier a eu cette étrange idée d’adapter les œuvres de miséricorde pour aborder les maux du monde. Réussi et sage.
Du théâtre explosif, une comédie musicale culte, du cirque hommage ou encore un cabaret angélique au programme à Lyon en ce mois de février.
Ex Machina
Directrice de l’un des plus petits centres dramatiques nationaux de France (celui de Montluçon), la comédienne, metteuse en scène et autrice Carole Thibaut questionne sans relâche les mécanismes de pouvoir liés au genre dans son domaine : le spectacle vivant. Prises de parole après interpellations (elle a notamment été membre fondatrice de HF Île-de-France, une association qui oeuvre pour le repérage des inégalités entre les femmes et les hommes dans les milieux de l’art et de la culture), elle donne de sa personne. Cela jusqu’à se mettre en scène sur le plateau dans un nouveau solo qualifié de « spectacle-performance ». Habilement construit entre moments théâtraux et d’autres proches du stand-up (ou de la conférence), Ex Machina mêle parcours intime, constats révoltés sur l’inégalité de notre société et retournements des codes. Une leçon de féminisme autant qu’un acte artistique.
Au TNP (Villeurbanne) du mardi 30 janvier au samedi 3 février
Némésis
La dernière proposition de la metteuse en scène Tiphaine Raffier (vue comme comédienne dans les aventures de Julien Gosselin), d’après un roman de l’immense auteur états-unien Philip Roth (c’est d’ailleurs la première fois qu’elle s’empare du texte d’un autre), est une réussite. L’histoire d’un jeune prof de gymnastique qui, dans les États-Unis de 1944, culpabilise de ne pas être parti au front de l’autre côté de l’Atlantique – il a été réformé du fait de sa vue défaillante. C’est alors que la polio s’abat sur la ville, et notamment les plus jeunes… De ce matériau riche qui ouvre de nombreuses portes, Tiphaine Raffier fait un spectacle ample (que d’images) et surprenant (la partie comédie musicale) sur, en creux, ce qui échappe à l’être humain malgré ses vaines tentatives pour tout comprendre.
Au TNP (Villeurbanne) du samedi 3 au vendredi 9 février
Fucking eternity
Sous-titrée « oratorio débridé pour un ange », la nouvelle création du très inventif metteur en scène Johanny Bert (Le Processus ; Hen ; Elle pas princesse, lui pas héros…) verra le jour ce mois-ci à Lyon, au Théâtre de la Croix-Rousse où il est artiste associé. « Hen est le premier spectacle dans lequel j’ose chanter sur scène. Suite à cette création que je joue toujours en tournée, j’ai eu l'envie de poursuivre cette exploration de la voix, du rapport au public, à travers une nouvelle forme et un nouveau personnage » écrit-il. Accompagné de musiciens, il sera « un ange de cabaret pour faire émerger l'insolence et jouer avec la vie, la mort, le terrien et le spirituel ».
Au Théâtre de la Croix-Rousse du mardi 6 au samedi 10 février
40° sous zéro
Le très acclamé Munstrum Théâtre débarque à Lyon avec le premier des trois spectacles qu’il présentera ces prochains mois aux Célestins, là où il est compagnie associée. Soit un spectacle autour de deux pièces de Copi, auteur subversif de la contre-culture gay française : L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer et Les Quatre Jumelles. Un réjouissant théâtre de l’excès où, des costumes de Christian Lacroix à la scénographie grandiosement froide qui permet aux couleurs des personnages de ressortir jusqu’aux reprises de chansons pop qui encadrent les séquences, le gore s’entrecroise avec le sublime sans que jamais l’un ne cannibalise l’autre.
Aux Célestins du mercredi 7 au samedi 10 février
Odyssée
Si les histoires mythologiques sont vues et revues sur les scènes de théâtre, force est de reconnaître que l'aventure que Pauline Bayle a menée il y a quelques années autour de L'Iliade et l'Odyssée du poète grec Homère a de la gueule. Notamment lorsque la metteuse en scène s'amuse avec la narration et ses figures – l'arrivée d'Ulysse dans sa maison squattée par pas mal d'hommes hostiles par exemple.
Au Sémaphore (Irigny) vendredi 9 février
Life, a love letter to Merce Cunningham
Il y a une dizaine d’années, Gandini Juggling, compagnie de cirque contemporain basée à Londres, nous enthousiasmait avec Smashed, spectacle dans lequel neuf jongleurs rendaient hommage à la chorégraphe Pina Bausch avec des pommes et mettaient en compote les idées reçues sur leur discipline. Ils sont de retour avec Life, création en hommage à une autre figure culte de la danse : Merce Cunningham, dont le centenaire a été célébré en 2019 (il est mort dix ans plus tôt). Comme on n'est jamais rassasiés de leurs jongleries, on ira les voir les yeux fermés – on les rouvrira dans la salle.
À la Maison de la danse du mardi 13 au vendredi 16 février
Tenir Debout
Une réjouissante plongée dans l’univers des miss, c’est ce que propose la comédienne Suzanne de Baecque (dont la carrière décolle autant au théâtre qu’au cinéma) dans ce spectacle de théâtre documentaire assurément féministe. « Je ne voulais vraiment pas d’une parole surplombante. C’est pour ça que j’ai passé le concours [de Miss Poitou-Charentes] : pour que tous les regards soient horizontaux, qu’on ait fait la même expérience, qu’on ait été dans le même bateau » nous a-t-elle expliqué dans une interview à paraître dans le prochain numéro.
Aux Célestins du mardi 13 au samedi 17 février
West Side Story
Efficace : voilà l’adjectif qui apparaît comme une évidence face à cette nouvelle version scénique du classique de Broadway qu’est West Side Story. Une histoire de Roméo et Juliette moderne en plein dans le New York des années 1950 autant chantée (que de tubes – America, Somewhere, Tonight…) que dansée et jouée par une troupe incroyable de technicité. Ou comment un chef-d’œuvre de 1957 signé Leonard Bernstein (musique), Stephen Sondheim (paroles), Arthur Laurents (livret) et Jerome Robbins (mise en scène et chorégraphies), passé deux fois par la case cinéma (dont Spielberg en 2021), reprend vie sur un plateau (grâce au metteur en scène new-yorkais Lonny Price) avec tellement de force et aucune ride que cela force le respect. Succès garanti – les plus de deux mois de représentations parisiennes ont très vite affiché complet.
À l’Amphithéâtre 3000 du mercredi 21 au dimanche 25 février
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