Le Pass culture se numérise : entre dangers et opportunités

Il y a un an, le pass culture était menacé d'ubérisation. Mais la ministre Francoise Nyssen a rapidement su rebondir. Pas question de faire un vieux pass poussiéreux, ce dernier sera numérique et représentera la culture au sens large – et pas seulement les offres numériques de masse. Comment, toutefois, faire découvrir un autre aspect de la culture sans faire de hiérarchie ?

Le Pass culture a été lancé dans quatre départements (le Bas-Rhin, l'Hérault, la Seine-Saint-Denis et la Guyane) pour une période d’essai qui se terminera en septembre prochain. Cette initiative s’adresse aux jeunes de 18 ans, et sera ensuite étendue à l'ensemble du territoire français. Inspiré du « Renzi Bonus » italien – une demi réussite, ou un demi échec, en fonction des personnes interrogées – ce pass doit permettre aux jeunes de s'offrir des sorties culturelles (concert, festivals, cinéma, théâtre, livres, CD, cours de musique ou de danse...).

Il « sera comme une espèce de proposition culturelle géolocalisée : le jeune pourra voir, là où il est, toutes les propositions qui sont possibles dans son environnement », a expliqué la ministre de la Culture Françoise Nyssen, qui le décrit comme « un GPS de la culture ». Techniquement, le pass prend la forme d'une application mobile, entre agenda des loisirs et mode de paiement (il sera crédité de 500 euros, financés à 80 % par le secteur privé). Un algorithme sera également chargé d’inciter les utilisateurs à diversifier leurs activités culturelles.

Vers une pluralité des expériences culturelles

Afin de découvrir les activités culturelles, les utilisateurs verront s'afficher pour chacune d'entre elles une image, un tarif et une distance. S’ils font glisser l'image vers le haut, des informations complémentaires s'afficheront et il sera possible de réserver une place. L'algorithme du Pass est conçu pour n'écarter aucun acteur culturel. En outre, les offres du secteur public et des petits acteurs indépendants seront mises en avant de sorte à leur donner plus de visibilité, là où traditionnellement elles sont étouffées par les offres des acteurs culturels les plus importants (une réalité qui touche jusqu’au streaming, comme l’expose le journal en ligne Les Jours dans une enquête au long cours).

Le mot d’ordre est donc la pluralité des expériences culturelles pour les nouveaux majeurs français. Autrement dit, le pass doit « susciter le désir » tout en encourageant la diversité culturelle – pas une mince affaire... Le but est affiché est d’éviter que les géants du web – Netflix, Deezer, Google, Apple, Facebook, Amazon... – ne centralisent l'ensemble des demandes, au détriment de la diversité de l’offre culturelle. Des « plafonds de dépenses » sont donc prévus pour certaines catégories d'offres numériques, comme les abonnements à Netflix, Deezer ou Spotify.

« Un effort sera demandé aux géants du numérique. Ils devront venir sur la base de la gratuité. Et si Netflix est dans le Pass culture, il devra proposer davantage de contenus européens », explique Frédéric Jousset, membre de l'association qui porte le projet. « Il est hors de question que le Pass soit une autoroute pour les Gafa », explique-t-il.

Le dilemme Star Wars

« Chaque année, plus de 20% des créations d’entreprises liées aux nouvelles technologies se situent dans le monde de la culture (communication, médias, éditions, musiques, arts, spectacles…) » souligne Éric Breux, directeur du Pôle Entreprises et Institutions chez Audiens pour l’Opinion. Il regroupe une grande variété d’innovations technologiques, comme l’intelligence artificielle, le streaming, la géolocalisation ou la réalité augmentée. L’arrivée de ce pass « coïncide avec la montée en puissance des start-ups de la culture ou des Culture tech » analyse Éric Breux.

Au fil des années, le groupe s’est fait une place dans le fer de lance de la numérisation de la tech en France. Aussi, Audiens suit les évolutions du secteur avec attention. Aujourd’hui le pass culture semble répondre à l’analyse fait par l’organisme sociale, pour qui la culture nouvelle se doit d’être inclusive. « La culture n’est pas un secteur qui vit en vase clos, insouciante du monde de l’entreprise ou des changements sociétaux à l’œuvre » détaille Éric Breux, pour qui « la vague de la transformation numérique, en emportant tout de manière indifférenciée, permet d’explorer de nouveaux modèles économiques pour les acteurs de la culture ».

Le projet dit toutefois résoudre un dilemme qui se trouve aux fondements même de ce pass : la question du « fléchage » des offres culturelles – soit le fait de diriger les utilisateurs vers un contenu particulier. Certains ayant peur de le voir devenir « un chèque ou un ticket de consommation » pour des blockbusters et autres sorties américaines majeures. Un risque incarné par ce que les experts qualifient de « dilemme Star Wars ». « Cette application sera éditorialisée », leur répond Françoise Nyssen, qui plaisante tout de même : « J'espère bien que l'on pourra voir Star Wars ». On en saura plus sur l’équilibre choisi par le gouvernement fin septembre, après la période d’essai du pass qui prendra fin en 2019.

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