The Chaser

Nouvelle réussite stupéfiante du polar sud-coréen, The Chaser renouvelle le film de serial killer en lui donnant un réalisme burlesque qui n’est ennemi ni du style, ni du suspense. Inratable ! Christophe Chabert

The Chaser commence par un tour de force : dans les dix premières minutes, on sait déjà qui est le serial killer du film, et il en faut à peine dix de plus pour que les policiers l’embarquent. Si on a jeté un œil à la durée globale (deux heures), on se demande comment Na Hong-jin va tenir la distance, ayant épuisé toutes les cartouches du mystère et violé les règles élémentaires du genre. Au bout du voyage, c’est l’inverse qui s’est produit : non seulement The Chaser est passionnant d’un bout à l’autre, mais son pari de départ est infiniment payant ; l’ultime mouvement est même un crescendo de suspense et de violence qui laisse pantois. On ne devrait pas faire les étonnés : le cinéma sud-coréen a depuis longtemps mis les voiles et compris comment réinjecter de l’originalité dans des schémas éculés.

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Ce n’est pas pour rien si, hommage pétri d’humilité, l’anti-héros du film se nomme Joon-ho, comme le cinéaste génial de The Host et Memories of murder. The Chaser reprend sa manière de traiter les situations avec réalisme ; pas le réalisme des images (Na Hong-jin fait preuve au contraire d’un style et d’une virtuosité dans sa mise en scène hallucinants pour un premier long), mais des réactions des personnages.

Un tueur sur les bras

Que ferait un proxénète, ancien flic au passé visiblement peu glorieux, si ses filles disparaissaient les unes après les autres ? Il voudrait les retrouver au plus vite pour ne pas perdre trop de pognon… Que feraient des policiers qui ont sur les bras un début de scandale lié à une agression à la matière fécale sur le maire de Séoul ? Ils chercheraient à se débarrasser au plus vite de cet encombrant tueur aux propos confus pour endiguer le flot médiatique qui déferle sur eux… Ces personnages ordinaires ont toujours des problèmes urgents à régler, et ne sont jamais conscients du film dans lequel ils jouent : un polar sanglant avec un meurtrier dément. D’où le ton de comédie noire de la première heure, qui culmine avec une scène hilarante dans un commissariat de quartier !

En cela, Na Hong-jin se démarque de ses homologues américains : l’héroïsme n’est pas une donnée naturelle chez ses protagonistes, et le drame qui survient est trop complexe comparé à leurs objectifs à court terme. Dans sa deuxième partie, c’est cette inconscience généralisée qui relance la mécanique du suspense, et poussera en fin de partie chacun à sortir de sa médiocrité routinière. Cela ne changera pas le cours du destin, mais aura permis la naissance d’un très grand film, classique instantané du cinéma criminel à ne rater sous aucun prétexte !

The Chaser
De Na Hong-jin (Corée du Sud, 2h03) avec Kim Yoon-seok, Ha Jung-woo…

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