Illégal

Deuxième film du cinéaste belge Olivier Masset-Depasse, "Illégal" choisit de raconter avec une mise en scène coup de poing l’odyssée d’une sans-papier, de centre de rétention en tentative d’expulsion. Démonstratif mais efficace — ou l’inverse. Christophe Chabert

Le sort bien réel des sans-papiers n’en finit plus de produire des fictions. "Eden à l’ouest", "Welcome", "Les Mains en l’air", "Les Invités de mon père" et même la semaine prochaine "Biutiful" ; autant d’exemples guère convaincants dans leur manière d’aborder la question. Pêchant par angélisme ou par diabolisation, s’abritant derrière une parabole ou noyant le sujet dans un vaste catalogue des malheurs du monde, les cinéastes peinent à trouver la juste distance pour transformer leur indignation en cinéma — une exception : le beau et très complexe "Silence de Lorna" des Dardenne. Avec "Illégal", Olivier Masset-Depasse n’y va pas par quatre chemins : sa fiction compile les anecdotes les plus révoltantes sur le sort infligé aux sans-papiers, quitte à faire du parcours de son héroïne un chemin de croix édifiant. Russe ayant fui son pays depuis huit ans pour se réfugier à Bruxelles où elle vit avec son fils Ivan, Tania a organisé son existence pour tromper les autorités. La description de ce quotidien anxiogène permet à Masset-Depasse de poser le principe de sa mise en scène : caméra à l’épaule au plus près des corps, sans affèterie mais avec un maximum de réalisme, comme si chaque séquence devait agir comme un coup de poing à l’estomac du spectateur, un peu à la manière d’un Erik Zonca.

Midnight express du clandestin

Tania est arrêtée en allant chercher son fils à l’école, et elle se sacrifie pour lui laisser une chance de s’échapper. Conduite dans un centre de rétention, elle s’obstine à refuser de révéler son nom ou son pays d’origine pour éviter d’être expulsée ou mettre en danger son enfant. Plutôt que d’idéaliser son personnage, le cinéaste choisit de raconter en détail et avec crudité les conditions de son enfermement, jusqu’à ce moment paroxystique où elle est conduite dans un avion pour être expulsée. La scène est dure, impressionnante : Tania se débat, cherchant à provoquer la violence des policiers et la gêne des passagers et de l’équipage. Masset-Depasse aussi cherche à faire réagir le spectateur, et y parvient par une mise en scène d’une incontestable efficacité. C’est pourtant la limite du film, son côté "Midnight express" du clandestin (référence revendiquée) : en sacrifiant la dialectique sur l’autel de l’engagement citoyen, "Illégal" se transforme en démonstration pure et simple. Démonstration de force, certes, nécessaire, certes, mais dont on ne sait si elle sert de porte-voix à sa cause ou si elle ne prêche que des convertis.

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