"Ava" de Léa Mysius : une jeune fille en fleur avant l'ombre

Ava
De Léa Mysius (Fr, 1h45) avec Noée Abita, Laure Calamy...

Le Film de la Semaine / Dernier été pour les yeux d’Ava, ado condamnée à la cécité s’affranchissant des interdits ; premiers regards sur le cinéma de Léa Mysius (coscénariste des Fantômes d’Ismaël) avec ce film troublant et troublé, ivre de la séduction solaire de la jeune Noée Abita.

Ava a treize ans, une mère célibataire fantasque, une petite sœur au biberon et une maladie qui va la rendre aveugle à la fin des grandes vacances. Loin de s’apitoyer sur son sort, l’ado profite de ce qui lui reste de vue pour longer les marges avec un jeune gitan qui la fascine…

à lire aussi : "Le Grand Méchant Renard et autres contes" de Benjamin Renner : animaux animés

Bonne pioche pour la Semaine de la Critique que ce premier long-métrage de Léa Mysius, tout à la fois empli de la vitalité rebelle de la jeunesse et confronté à l’inéluctable d’une disparition précoce. Poème sensoriel débarrassé d’un ancrage forcené au réalisme, Ava s’octroie des parenthèses de folie douce lorsqu’il s’agit d’évoquer le ressenti de la liberté, le frisson de l’incertain. Une révolte métaphorique dans une fuite à la poursuite de la beauté, où la suggestion discrète l’emporte sur la pataude monstration.

Garde à vue

On sait combien un film peut se trouver transfiguré par son acteur·trice grâce à l’accord intime entre l’interprète et son personnage. Ce que livre ici la débutante Noée Abita tient de la vibration : à l’âge des métamorphoses, avec son regard fixe et sa moue évoquant Adèle Exarchopoulos ou L’Effrontée ayant intériorisé tous ses désirs pour mieux les saisir, elle offre simultanément un visage d’innocence enfantine et une stupéfiante gravité. C’est dans l’absence d’effet de performances ou d’outrances en skaï guimauve qu’elle révèle sa puissance. Less is always more.

à lire aussi : "Macadam Popcorn" de Jean-Pierre Pozzi : grandeurs et évolutions des petits commerces de cinéma

À sa nature bouleversante répond la présence familière de Laure Calamy, idéale ici dans un de ces emplois de cyclothymiques extraverties qu’on lui connaît — celui de la mère. Longtemps silhouette, devenue visage, puis second rôle régulier et sympathique, la comédienne va se trouver simultanément à l’affiche de nombreux films par le hasard de sorties concomitantes. Pour un·e interprète, la tentation est immense de répondre à toutes les sollicitations, qui sont autant de déclarations d’amour émanant des cinéastes ; grand est alors le risque de se “berléaniser”. Souhaitons-lui, pour maintenir ce désir intact, de préserver sa part de mystère en se montrant plus rare. Ou sélective.

Ava de Léa Mysius (Fr, 1h45) avec Noée Abita, Laure Calamy, Juan Cano…

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Mardi 26 avril 2022 Orfèvre dans l’art de saisir des ambiances et des climats humains, Mikhaël Hers (Ce sentiment de l’été, Amanda…) en restitue ici simultanément deux profondément singuliers : l’univers de la radio la nuit et l’air du temps des années 1980. Une...
Mardi 15 mars 2022 Après son premier one-man-show dans lequel le prince des potins, Tristan Lopin, nous comptait ses déboires amoureux, l’humoriste revient avec un seul en scène brut, décapant et authentique, le 1er avril, à la Bourse du Travail.
Mardi 15 mars 2022 Pas simple de restituer Pialat au théâtre tant il a éclaboussé le cinéma de son génie à diriger les acteurs. Dans ce spectacle énamouré adossé à À nos amours, Laurent Ziserman parvient à saisir l’infinie justesse qui émanait des films du...
Vendredi 3 décembre 2021 On connaît son attachement pour Lyon (affectif ou professionnel : revoyez Mise à sac et L’Insoumis), et chacune de ses venues permet de rappeler qu’il (...)
Mercredi 19 mai 2021 Un impeccable duo Noée Abita-Jérémie Renier pour un film s'emparant avec justesse d'une double actualité,  la mise au jour de scandales dans l’univers des sports de glace et le mouvement #MeToo.
Mardi 30 mars 2021 Le Marché Gare, qui fête ses 15 ans dans le contexte que l'on sait, entre ce printemps dans la deuxième phase de ses importants travaux de rénovation. On en sait désormais un peu plus sur ce lifting qui devrait s'achever en début d'année prochaine...
Mercredi 21 octobre 2020 Après deux ans d’occupation de l’ancien collège Maurice-Scève, la Métropole et la Préfecture organisent l’évacuation des lieux et le relogement d’une partie des habitants. Entre soulagement et inquiétude, le collectif de soutien aux jeunes...
Mercredi 7 octobre 2020 Le dessin est un médium qui a le vent en poupe depuis quelques années. Depuis 2016, il a même un salon qui lui est entièrement dédié à Lyon : Lyon Art Paper, (...)

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X