Let's Gwoka

L'année de l'Outremer résonne jusqu'en Presqu'île. L'occasion de faire la bamboula en découvrant les rythmes libérateurs du gwoka. Stéphanie Lopez

On entend d'ici sarcasmes et ricanements : parce que pour sa trentième édition, la fête de la musique met l'outre-mer à l'honneur, on voit d'ici les blancs-becs mauvaises langues investir dans un caisson d'isolation phonique, pour contrer l'attaque des clones de Franky Vincent. Mais si, en fait de mépris, il y avait surtout méprise ? Méconnaissance primaire des musiques d'outre-mer ? Le solstice d'été pourrait alors avoir le mérite de remettre les pendules à l'heure : oubliez Kassav, La Compagnie Créole et autres zouks des clubs Thomas Cook. Remballez tous vos préjugés sur le folklore antillais et rendez-vous plutôt sous les calebasses du Tropikal Village pour découvrir, entre autres, le gwoka anthentique de Tambou Karaibe. «Gwo quoi ?» - on entend d'ici le blancbec peu adepte de bamboula se demander si on a pas pété le boula. Alors une petite leçon de «kit créole» s'impose (le boula n'étant dans notre ka qu'un tambour, celui qui frappe le rythme grave de ce qui fut, à l'origine, la danse et le langage des esclaves). Le gwoka est né en Guadeloupe au début du XVIIIe siècle, dans les champs de canne où les Noirs asservis usaient du «gros quart» (un tonneau reconverti en tambour) pour communiquer entre eux. Langage du marronage au même titre que le créole, le gwoka créait ainsi ses propres codes, hermétiques aux z'oreilles des colons – qui voyaient bien sûr d'un mauvais oeil ces rythmes guerriers (lewoz), tantôt voués à la terre et à la fertilité (toumblak), tantôt à la fête et à la lutte pour la liberté (bamboula, mindé...) SWARÉ LEWOZ
Suite à l'abolition, le gwoka a longtemps été renié : au regard de la symbolique de ses heures noires, les Guadeloupéens ne voulaient plus en entendre parler. Mais dans les années 70, ses valeureux tambouyés (Vélo, Guy Konkèt, Gérard Loquel...) ont réhabilité ce rythme endémique pour en faire une fierté culturelle, un art de vivre qui honore la mémoire des ancêtres. Musique de danse, de transe et de fête, le gwoka résonne aujourd'hui dans chaque carnaval, sur les plages de Sainte-Anne ou dans les swaré lewoz où le touriste en goguette peut, à grand renfort de rhum arrangé, s'initier au déhanchement cathartique du mindé. Plus près de chez nous, Tambou Karaibe distillera l'âme de Karukera1 place de la République, ce qui permettra aux métros de faire leurs premiers pas de ka sous un flot de CRS2. Et pour qui voudrait transformer l'essai, rendezvous à Sainte-Anne, en juillet, où se déroule le festival annuel du gwoka. On en connaît qui sont tombés accros en moins de temps qu'il en faut aux acras pour garnir un avocat.TAMBOU KARAIBE
Tropikal Village, place de la République (Lyon 2e), mardi 21 juin de 17h à 21h

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