« Plutôt sur le côté mélancolique que bucolique »

Mahiane (Ultimae Record)

Café KOT

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Disquaire Day / C'est l'un des labels et shops de musique électronique les plus réputés au monde, dépassant la centaine de références à son catalogue, co-fondé par un artiste aux plus de 50 000 fans sur les réseaux sociaux. Et pourtant, à Lyon, ils passent sous les radars. À l'occasion du Disquaire Day, zoom sur Ultimae Records, qui n'y participe pas : un label mené par Vincent Villuis (Aes Dana) et Sandrine Gryzon (Mahiane), qui s'apprêtent à ouvrir une boutique à leur image, cosy, tout près des Célestins.

Comment est né Ultimae, devenu label de référence de l'ambient ?
Sandrine Gryson / Mahiane : C'était il y a 18 ans, début 2000. J'ai rencontré Vincent Villuis (aka Aes Dana) qui allait sortir le premier disque du groupe Asura, et en même temps lancer le label et le réseau de vente par correspondance sur Internet. L'album est paru au printemps. Notre existence, c'était sur le Net. Parfois, on pouvait se produire en live, mais il n'y avait pas beaucoup de salles pour ce style de musique. Et à l'époque, les concerts étaient moins faciles : on devait trimballer de gros ordinateurs ! Rapidement, on a travaillé sur une compilation qui nous a permis de nous ouvrir à l'Europe et au monde, on a travaillé avec des artistes comme Solar Fields en Suède, mais aussi au Japon, en Russie, aux États-Unis. On a ouvert le spectre. Dans le même temps, on vendait de plus en plus de disques sur notre boutique en ligne, partout dans le monde. Du CD : la vente digitale n'existait pas encore quand on a commencé. On n'était pas vraiment visible du coup sur la place de Lyon, on était tourné vers l'étranger. On travaillait de chez nous, avant d'avoir un local vers la gare St-Paul, où officiait auparavant un label de punks.

Il y a neuf ans, en 2009, on a ouvert notre première boutique près de la place Carnot. Le hasard ! Il y avait des bureaux à l'étage et 35m2 en bas, on l'a transformé en magasin et lieu de showcase, qui devenu Gravé Tattoo aujourd'hui. Pour nous, l'objet physique est important : on produit presque toute notre discographie en CD et en digital, et une partie en vinyle. Quand on a commencé, des vinyles d'ambient, c'était très rare. Ces dernières années, on a vu beaucoup de labels se monter dans ce style, et sortir aussi des vinyles. On a décidé d'ouvrir notre catalogue, avec l'arrivée d'Arnaud Galoppe dans l'équipe, avec un peu de techno, de minimal.

On n'était pas en lien direct avec Lyon, mais le fait d'avoir un magasin a créé une dynamique différente. C'est un lieu de ralliement, pour passionnés. Dans notre prochaine boutique, on aura toujours cet esprit confort, les gens pourront prendre le temps de découvrir de la musique. Ce sera à côté de la place des Célestins, dans la rue Émile Zola. On sera au deuxième étage, avec nos tisanes, notre machine à café et notre magasin : on va pouvoir relancer notre activité de terrain.

Comment se passe le lien avec vos artistes ?
On aime travailler sur la durée avec les artistes. Quand on découvre un producteur, on le fait débuter sur nos compilations : ça permet de lancer un nouveau venu auprès de notre public. Si on voit qu'il y a un bon retour, et si on s'entend bien car c'est important pour nous qu'il y ait un rapport humain, on ira sur un EP et un album. Ultimae a aujourd'hui une belle notoriété, on reçoit énormément de démos. On écoute tout. Parfois, ça n'a rien à voir : régulièrement, des groupes de rap m'appellent pour que je produise leurs disques... Aujourd'hui, la jeune génération ne se rend pas compte qu'un label est spécialisé, ils n'ont pas le même rapport au label que nous avions.

Le travail de directeur artistique, c'est Vincent qui le fait. Mais on a tous notre oreille, avec Léa et Arnaud. J'ai fait trois compilations. On donne aussi le flambeau à certains DJs avec lesquels on travaille, mais on reste en assistance, car si on veut faire une belle compilation, raconter une histoire qui ait du sens, ce n'est pas forcément facile. On a un type de son particulier, qui est cinématique, avec pas mal d'émotions qui ressortent, qui est profond, large et spatial. On aime le mineur dans les cordes, ce n'est pas un label de majeur dans le type de sonorités ! Plutôt sur le côté mélancolique que bucolique. C'est le cœur de la musique que l'on produit, même si les styles ont bougé : au début, c'était chill-out, downtempo, on a évolué vers des choses plus IDM, de la deep techno planante, de l'électronica ou du néo-classique. On mélange les genres et on pousse les frontières. On a fait avec Arnaud Galoppe l'an dernier une double compilation Polarity avec un disque ambient et un disque techno. C'était intéressant, parce qu'Arnaud a ramené ses artistes dans le magasin, les a fait travailler sur l'ambient qui est notre son de départ, mais aussi sur un second morceau techno qui est leur univers.

Les cinq disques de Ultimae à ranger dans sa discothèque ?
L'album Ephemeris de H.U.V.A. Network, toujours aussi vibrant malgré les années, qui représente bien ce contraste dans le son, où l'on peut être sur du très planant mais aussi du très percussif. Puis, l'album 9980 de Connect.Ohm, réunissant Alexandre Scheffer (Cell) et Hidetoshi Koizumi qui se sont rencontrés à Paris il y a quelques années. Hidetoshi est plus dans le côté minimal, crunchy et Alex est plus chill-out, très rond : le mélange de leurs deux univers fonctionne très bien. C'est un album plébiscité. Ensuite, Far & Off de Aes Dana & Miktek et Pollen de Aes Dana. Et le dernier, Eyes to the Height, de James Murray : un très bel album d'ambient feutré, émotionnel et doux. Très intimiste, qui représente mon son de cœur. Je m'entends très bien avec cet artiste basé à Londres.

Quelle est la tendance aujourd'hui dans l'ambient ?
C'est l'ambient néo-classique, la tendance forte aujourd'hui, avec des artistes comme Nils Frahm ou le label Erased Tapes. Et aussi le côté electronica / IDM. Il y a de plus en plus d'expérimental, même si ça me touche moins car j'ai besoin de reconnaître une certaine forme de musicalité.

Où en écouter ?
À l'international, il y a de plus en plus de festivals, comme Atonal à Berlin ou le Mutek. Sur Lyon, l'ambient ce n'est pas évident. Le Périscope a joué un peu le jeu. Mais l'ambient, j'aime pouvoir me poser confortablement pour l'écouter, c'est une musique de ressenti, d'intellectualisation aussi. Je ne peux pas rester debout pendant quatre heures pour en écouter... Il manque une salle pour écouter de l'ambient.

Ultimae Records
Ouverture prochaine au 6 rue Émile Zola, Lyon 2e

Mahiane
Au Café Kot le samedi 21 avril

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