Du théâtre pour panser
L'essentiel de la saison le Mardi 5 septembre 2017 | par Nadja Pobel
Newsletter Lyon
Chaque semaine, en un coup d'oeil, tous les programmes. un outil pratique et complet pour constituer sa semaine de sorties à Lyon
À peine étions-nous assis dans cette patinoire (lieu phare du off d'Avignon) qu'il s'est mis à parler, parler et parler encore. Comme une victime d'accident déviderait tout ce qui vient de se dérouler sous ses yeux ahuris. David Murgia n'a pas cet état de sidération, il est même étonnamment tranquille. Il est habité par cette nécessité de livrer, à toute allure (sans jamais faire riper sa diction) ses récits et faire ainsi exister ceux qu'on voit peu, que la société laisse dans un coin, au bord des rues ou dans l'isolement bien pratique de leur habitat lorsqu'ils en ont un.
Voici que le comédien raconte à un ami ce qu'il vient de raconter à des copains éphémères de bistrot : la vie de travailleurs pauvres, de malades d’Alzheimer ou d'une prostituée. Il n'y a rien de cafardeux dans l'heure quinze passée avec eux : dans ce texte, Ascanio Celestini a la politesse d'aimer ses personnages sans les stigmatiser ni les "héroïser". Être en bas de l'échelle sociale (le principe de classes existe toujours, n'en déplaise à ceux qui se tiennent tout en haut de la pyramide) n'est pas qu'une longue plainte. L'aplomb de la prostituée est à cet égard éclairant lorsqu'elle affirme, via Murgia, qu'elle n'a pas de morale mais une éthique. CQFD.
L'essentiel de la saison le Mardi 5 septembre 2017 | par Nadja Pobel
Debout, au milieu des cageots, l'acteur déambule, son acolyte à l'accordéon campé en fond de scène. Et il dévoile ainsi le pendant ouvrier de Discours à la nation, pièce déjà menée avec Celestini dans laquelle il portait la parole du patronat, de façon fatalement plus acide. Telle la mécanisation des emplois dont il parle, sa parole se fait presque automatique quand il décrit la réalité du travail de manutentionnaire : porter des caisses, petites ou grandes, mais pas nécessairement proportionnellement lourdes : « ça dépend du contenu ».
Murgia parvient à rendre à la fois l'humanité de ses personnages et la déshumanisation à laquelle ils sont circonscrits, ou pire, leur négation ; Dieu, convoqué avec habileté comme une croyance populaire parmi d'autres, les ignore. Dans ce spectacle modeste et brillant, au milieu de personnages émiettés, s'insère un petit chien, qui le 3 novembre 1957, envoyé par les Russes dans l'espace fut « l'être vivant le plus proche de Dieu ». Laïka ? « c'est un chien de rue, pas un chien de bourgeois qui a la trouille » clame Murgia rendant une nouvelle fois une dignité et une place à ces invisibles, sans pour autant vouloir prendre une revanche ni accuser.
Laïka
Au Théâtre de la Croix-Rousse du 17 au 21 octobre
À peine étions-nous assis dans cette patinoire (lieu phare du off d'Avignon) qu'il s'est mis à parler, parler et parler encore. Comme une victime d'accident déviderait tout ce qui vient de se dérouler sous ses yeux ahuris. David Murgia n'a pas cet état de sidération, il est même étonnamment tranquille. Il est habité par cette nécessité de livrer, à toute allure (sans jamais faire riper sa diction) ses récits et faire ainsi exister ceux qu'on voit peu, que la société laisse dans un coin, au bord des rues ou dans l'isolement bien pratique de leur habitat lorsqu'ils en ont un.
Voici que le comédien raconte à un ami ce qu'il vient de raconter à des copains éphémères de bistrot : la vie de travailleurs pauvres, de malades d’Alzheimer ou d'une prostituée. Il n'y a rien de cafardeux dans l'heure quinze passée avec eux : dans ce texte, Ascanio Celestini a la politesse d'aimer ses personnages sans les stigmatiser ni les "héroïser". Être en bas de l'échelle sociale (le principe de classes existe toujours, n'en déplaise à ceux qui se tiennent tout en haut de la pyramide) n'est pas qu'une longue plainte. L'aplomb de la prostituée est à cet égard éclairant lorsqu'elle affirme, via Murgia, qu'elle n'a pas de morale mais une éthique. CQFD.
L'essentiel de la saison le Mardi 5 septembre 2017 | par Nadja Pobel
Debout, au milieu des cageots, l'acteur déambule, son acolyte à l'accordéon campé en fond de scène. Et il dévoile ainsi le pendant ouvrier de Discours à la nation, pièce déjà menée avec Celestini dans laquelle il portait la parole du patronat, de façon fatalement plus acide. Telle la mécanisation des emplois dont il parle, sa parole se fait presque automatique quand il décrit la réalité du travail de manutentionnaire : porter des caisses, petites ou grandes, mais pas nécessairement proportionnellement lourdes : « ça dépend du contenu ».
Murgia parvient à rendre à la fois l'humanité de ses personnages et la déshumanisation à laquelle ils sont circonscrits, ou pire, leur négation ; Dieu, convoqué avec habileté comme une croyance populaire parmi d'autres, les ignore. Dans ce spectacle modeste et brillant, au milieu de personnages émiettés, s'insère un petit chien, qui le 3 novembre 1957, envoyé par les Russes dans l'espace fut « l'être vivant le plus proche de Dieu ». Laïka ? « c'est un chien de rue, pas un chien de bourgeois qui a la trouille » clame Murgia rendant une nouvelle fois une dignité et une place à ces invisibles, sans pour autant vouloir prendre une revanche ni accuser.
Laïka
Au Théâtre de la Croix-Rousse du 17 au 21 octobre
Crédit Photo : © Dominique Houcmant Goldo
Texte et ms Ascanio Celestini, l'humanité vue du comptoir d'un bar par un messie de passage, dès 13 ans Théâtre de la Croix-Rousse Place Joannès Ambre Lyon 4e
ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement
voir les salles et horaires
L'essentiel de la saison | Au vu des programmations hétéroclites (trop) touffues et qui confèrent aux différents théâtres des identités de plus en plus floues, émerge une vague de (...)
SCENES | Ils sont jeunes, misent sur l’acteur et adaptent des textes peu théâtraux. Ils font pourtant bel et bien du théâtre, avec un engagement total, signant des (...)
SCENES par Nadja Pobel le Mercredi 2 mars 2016 | Prenez quelques cageots, un acteur exceptionnel et Belge (David Murgia) et un auteur engagé et Italien (Ascanio Celestini) et vous voilà face à un (...)
SCENES par Nadja Pobel le Mardi 8 septembre 2015 | Souvent taxé d’art vieillissant, le théâtre ne cesse pourtant, à l’instar des sociologues ou historiens, d’ausculter le monde contemporain. Cette saison, (...)
SCENES par Nadja Pobel le Mardi 7 avril 2015 | Nous n’avons pas encore vu intégralement Discours à la nation, mais il nous apparaît nécessaire de se précipiter le voir au Théâtre de la Croix-Rousse du 8 (...)
ECRANS par Christophe Chabert le Mardi 14 octobre 2014 | De Tony Gatlif (Fr, 1h44) avec Céline Salette, Rachid Yous, David Murgia… (...)
ECRANS par Christophe Chabert le Mercredi 23 février 2011 | De et avec Aktan Arym Kubat (Kirghizstan, 1h16) avec Taalaïkan Abazova… (...)