Lancement / Les douze coups retentissent, le rideau se lève et le décor est dévoilé au grand public. Pourtant, il n'y a aucun public dans la salle de la Comédie de Saint-Etienne. Seul le metteur en scène, Adama Diop et les techniciens sont présents. Tous ensemble, ils supervisent la répétition du spectacle de la dernière promotion de jeunes comédiens, la Promo 31. Entre le 21 et le 24 juin prochains, les dix jeunes talents présenteront leur spectacle d'adieu, « Bunker » avant de faire leur grande entrée dans le monde du théâtre.
Le décor est sobre, les lumières sont tamisées et les comédiens sont en pleine concentration. Monologues et dialogues commencent à s'enchainer. Au fil des scènes, les comédiens se déplacent, se croisent, se touchent et s'engueulent. Parfois, un rideau de tulle vient séparer la scène comme pour mettre en lumière l'importance d'une scène : « Ce rideau, élément de la scénographie, c'est surtout pour isoler l'arrière-plan et mettre en avant ce qu'il se passe devant. C'est aussi pour permettre au public de mieux comprendre », explique Adama Diop, metteur en scène et parrain de la promo. Au fur et à mesure, on se rend compte que chaque détail scénographique a une signification précise. La sobriété du décor rappelle l'enfermement et la solitude du bunker tout comme les combinaisons jaunes évoquent l'idée de l'uniformatisation de la société.
Où vit-on?
Dans quelle société vivons-nous ? Tout au long de cette pièce, on retrouve une certaine personnification du mythe de la « Caverne de Platon » (il est temps de replonger dans vos souvenirs de philo de terminale). La pièce présente dix personnages qui sont bloquées dans ce bunker depuis trois ans en raison d'une guerre qu'ils n'ont jamais vue. Regroupés par tranche d'âge, ils doivent apprendre à vivre ensemble malgré leurs différences. Voilà le grand questionnement de la société actuelle : « Tout au long du spectacle, on découvre les personnalités différentes des personnages de la pièce, ils se révèlent. Ils montrent leurs différences et c'est justement ça qu'on voulait souligner. On ne devrait pas s'effacer pour vivre ensemble » détaille Adama Diop. Les dix comédiens, à travers leur jeu, évoquent l'homosexualité, les couples mixtes, le besoin d'être aimé, la maladie et bien d'autres traits humains qui font notre société du 21e siècle... Mais toujours avec une pointe d'humour.
Entre retouches sons et lumières, réglages des décors et dernières indications pour les comédiens, nous sommes plongés dans une certaine confusion du réel et de la fiction : « Lorsque Baptiste Amann a décidé d'écrire ce texte, il a absolument voulu garder les noms des comédiens pour leurs personnages et s'est inspiré de leurs propres personnalités pour écrire ces rôles », poursuit le metteur en scène. Au fil du temps, l'illusion grandit jusqu'à prendre certains airs de mystère et l'on vient à se poser cette question philosophique, « Comment l'art vient perturber cette balance entre le réel et la fiction ? ». Ce suspense reste comme une métaphore du futur, celle de l'incertitude de l'avenir : « Peut-être que cette pièce représente notre société en 2072 par exemple, nous ne savons pas de quoi sera fait le futur », conclut Adama Diop.
Après plus de trois heures de répétition, c'est le clap de fin pour les comédiens. Une fin qui révèle une vraie mise en abyme de notre société. Le rideau se ferme laissant place à la dernière scène qui sonne à la manière d'une tragédie grecque mais surtout comme l'achèvement d'une aventure de trois années pour ces jeunes comédiens. C'est l'heure de prendre son envol et de se faire une place dans le monde du 6e art.
Bunker, spectacle de la Promotion 31, de Baptiste Amann, mis en scène par Adama Diop, avec Naïm Bakhtiar, Lola Bernard-Grison, Solène Celse, Inès Dhabi, Emile Faure, Christian Franz, Elodie Laurent, Yasmine Ndong, Yohanis Thomont et Félix Villemur-Ponselle. Du 21 au 24 juin à partir de 20h sauf le samedi 24 juin (17h), Comédie de Saint-Etienne, gratuit sur réservation.