Manu Larcenet
BD (Dargaud)
Dans une très belle scène de la saison 4 de Six Feet Under, la famille Fischer se réunit autour d'un feu, dans lequel elle se débarrasse d'un tas de vieilles breloques. Feu de peine car chargé de vestiges d'un temps révolu et de souvenirs d'êtres disparus ; feu de joie, aussi, car résolument tourné vers l'avenir. Outre le fait que l'on retrouve une image similaire sur la couverture (de l'édition spéciale) du troisième tome du Combat ordinaire, la parenté avec la formidable série d'Alan Ball s'impose quand après le suicide de son père, on retrouve Marco confronté aux mêmes questions et aux mêmes mystères que ses cousins télévisuels américains. Ai-je été un bon fils ? Qui était l'homme caché derrière le père ? Des interrogations qui se mêlent à l'insoutenable éternité de la douleur, car : "rien ne prépare à la permanence de l'abomination". Et qui se superposent naturellement aux problématiques qui travaillaient les deux premiers volumes : la crise de la trentaine, l'engagement amoureux, le monde ouvrier, le pardon...Avec les années, quoi de plus normal, Larcenet gagne en profondeur et en justesse et ce troisième volet, plus épais - au propre comme au figuré -, navigue admirablement entre noirceur et légèreté, réussissant l'exploit de tirer les larmes, sans verser dans le pathos. "La pudeur de votre parti pris est une réussite. Vos photos sont dignes." Cette phrase que Marco entend de la bouche de son éditeur résume à merveille le petit miracle de ce livre précieux. Larcenet sera à la librairie Expérience le samedi 8 avril. EA
