La damnation de Jim Yamouridis

Jim Yamouridis

Opéra de Lyon

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Folk / Événement considérable que la venue en l'antre de l'Opéra du barde Australo-greco-auvergnat Jim Yamouridis, dont les dernières expériences musicales plongent dans les ténèbres du dépouillement avec une grâce quasi-faustienne.

La voix est caverneuse, profonde, sépulcrale, creuse un sillon qui semble vouloir retourner les entrailles de la terre jusqu'aux forges d'Héphaïstos, invoquer par là, en un chant qui confine au religieux, une imprécation immémorielle, un mantra pourvoyeur de transe, quelque Dieu antique retenu prisonnier dans le fond des âges et dont il s'agirait, au passage, d'implorer la pitié, d'apaiser la colère.

La chose s'intitule Mercy et ouvre The Other Side, dernier disque solo en date de l'Australien d'origine grecque Jim Yamouridis, exilé depuis quelques lustres en Auvergne (le karma de l'Hermès de Haute-Loire a des miles au compteur).

La suite est à l'avenant et se blottit dans la bure d'une guitare acoustique aussi hypnotique que renfrognée et de cette voix d'outre-monde qui réveille les fantômes de Cash (Johnny) et de Cohen (Leonard) et fréquente les mêmes lupanars enfouis que Nick Cave, aux confins de ce folk-blues auquel Yamouridis nous a habitué et de la tradition grecque du rebetiko, cette musique d'outsiders et de haschischins, cette « musique de vérité », comme il la nomme lui-même.

Destin orphique

Vérité on ne peut plus brute ici, « chair nouvelle couvrant de vieux os » confiait-il en évoquant cette expérience où le son est venu « avant le Verbe », et les paroles des Ombres, de l'au-delà.

Car là où certains de ses précédents disques laissaient entrevoir la lumière, sous la férule notoire du complice Seb Martel et, parfois du vieux compère frappé Warren Ellis, The Other Side semble avoir bel et bien embrassé tout à la fois un pacte faustien et un destin orphique en forme d'aller simple, traversé un funeste miroir, un opaque écran de fumée aux émanations mystiques.

C'est tout le tour de force – ou de magie – opéré sur ce disque par l'ancien chanteur de The Stream, autrefois repris par PJ Harvey : celui de faire voyager aussi loin – fut-ce dans les ténèbres – sur un si modeste phaéton, à peine ornementé de quelque calicot médiéval d'inspiration lointainement orientale. « En lambeaux ou entier » chantait jadis Yamouridis sur Ragged or whole, extrait d'un précédent disque. C'est simultanément dans ces deux états qu'il s'avance ici, paradoxal. Et dans la majesté absolue de la damnation.

Jim Yamouridis
À l'Opéra Underground le mercredi 6 février

à lire aussi

derniers articles publiés sur le Petit Bulletin dans la rubrique Musiques...

Lundi 25 avril 2022 Toujours curieux et singulier, le festival Superspectives accueille cette année quelques grands noms de la musique contemporaine et expérimentale : Gavin Bryars, Alvin Curran, Charlemagne Palestine…
Mardi 26 avril 2022 Il est libre, Iggy Pop. Bon, y en a quand même pas qui disent qu'ils l'ont vu voler, mais continuer de se trémousser torse-poils devant (...)
Mardi 29 mars 2022 Alors qu'il remonte sur scène pour présenter son dernier objet d'artisanat, La Vraie vie de Buck John, Jean-Louis Murat est l'objet d'une belle rétrospective menée par l'agence musicale lyonnaise Stardust et une vingtaine d'artistes aurhalpins.
Mardi 29 mars 2022 Un peu plus de deux ans après la tournée de Reward, la Galloise Cate le Bon est de retour sur une scène lyonnaise. Avec Pompeii, un album tout en minimalisme pop, composé et enregistré durant le grand confinement, et qui plonge dans la torpeur tout...
Mardi 1 mars 2022 Événement du côté du Ninkasi avec la venue du commandant en chef de feu Sonic Youth, qui depuis la séparation du groupe phare de l'indie rock américain multiplie les saillies solo comme pour mieux combler et dérouter ses fans éplorés.
Mardi 1 mars 2022 2021 aura été l'année de l'avènement pour Tedax Max. Douze mois pour sortir trois albums et se hisser au premier plan de la scène rap locale. Avant son passage du côté de Vénissieux à Bizarre!, le vendredi 18 mars, on a échangé...
Mardi 15 février 2022 1913, quelle année ! La modernité artistique y éclate dans toute sa superbe et aussi dans toutes ses surprises qui désarçonnent le public. C’est par exemple : les premiers ready-made de Marcel Duchamp, la publication à compte d’auteur...
Jeudi 17 février 2022 Les Parisiens de Bryan’s Magic Tears ont sorti mi octobre leur troisième album, "Vacuum Sealed". Le groupe signé sur Born Bad sera au Périscope ce jeudi 17 février.

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X