L'inconnu qui est dans l'autre et en chacun de nous

Davy Brun nous invite à découvrir l'aventure de la rencontre. Une rencontre avec celui que l'on croit connaître, et qui pourtant révèle parfois un territoire surprenant et inexploré… Voici le portrait de Davy Brun, en attendant son passage à l'Opéra-Théâtre les 7 et 8 mars prochains.

1492 : découverte de l'Amérique par Christophe Colomb. Tout le monde a eu à apprendre cette date et connaît le nom de cet explorateur mythique. Cependant, que connaît-on de l'homme ? Qui était réellement Cristobal Colon, Christoffa de son prénom gênois ? Pierre Perret a-t-il eu connaissance de son vrai nom quand il a écrit : «Tonton Cristobal est revenu» ? Pourquoi pas ? Peut-être a-t-il eu accès à cet inconnu qui est dans l'autre mais aussi en chacun de nous ? «Connais-toi toi-même» disait Socrate. Mais que connaît-on véritablement de soi ? Et à plus forte raison de l'autre ? On croît se connaître, on croît connaître l'autre... et puis, il peut arriver qu'un événement, un malentendu, une faille, un lâcher-prise, dévoile un territoire inconnu où cet autre que l'on avait cru déchiffrer révèle une facette inconnue de sa personnalité, un "soi" caché, ignoré, voilé, refoulé... C'est à cette aventure de la rencontre, de la découverte de l'autre et de soi que nous invite Davy Brun avec son spectacle : Christoffa qui est une pièce sur les autres, sur la relation, l'altérité, sur cet inconnu qui est dans l'autre et qui est en  nous. Comment peut s'opérer cette découverte ? Pour que la face cachée des choses ait quelque chance de se révéler, il est préférable de placer l'individu dans un environnement qui l'unit à un réseau de représentations variées et aux désirs multiples qui lui échappent. Davy Brun a bien des cordes à son arc pour s'engager dans un tel processus créatif. Déjà, son parcours favorise cette démarche. Danseur et jeune chorégraphe, il a commencé sa formation au Conservatoire National de Lyon, puis à l'École de danse de l'Opéra de Paris et avec son maître : Max Bozzoni. Les huit années passées au ballet de l’Opéra de Lyon et les trois années au grand théâtre de Genève lui ont permis de découvrir de multiples créations. Le travail avec les plus grands chorégraphes contemporains : Mats Ek,   Trisha Brown, William Forsythe, Maguy Marin, Philippe Découflé, Mathilde Monnier, Jiri Kilian (Rien que ça !) lui a fait expérimenter des créations artistiques très riches et très variées qu'il a engrangées, dont il s'est nourri mais qui l'ont aussi orienté vers le désir de vivre ses propres expériences au travers de ses chorégraphies. Sa recherche chorégraphique emprunte à ses multiples rencontres, vise à construire une «danse dansée» qui lui permet d'utiliser toutes les richesses des différentes formes de dense qu'il a pu découvrir, même si c'est peut être d'Angelin Preljocaj qu'il se sent le plus proche. Davy Brun continue inlassablement à explorer des univers différents et le concours chorégraphique Reconnaissance qu'il a gagné fin novembre 2011 va lui donner l'occasion de tourner dans quinze lieux partenaires du concours comme le festival : Le temps d'Aimer à Biarritz ou le festival de Lille : Danse à Lille. Cette exploration très étendue est sans doute favorisée par la personnalité de Davy Brun. Son extrême tolérance, son ouverture très large à tout ce qui l'entoure, constitue un riche terreau dans lequel il puise pour créer ses propres chorégraphies. Il s'est toujours ouvert, sans restrictions, à des cultures différentes. Il n'a jamais eu d'idole, jamais de couleur préférée. Il écoute toutes les musiques, s'abreuve à tous les courants, voit des choses très diverses quand il est en résidence dans des lieux toujours différents, suit les évolutions de la société. Cette large ouverture, cette grande liberté et cette extrême diversité influe sur sa danse et sur sa façon de travailler. Une fois l'écriture chorégraphique définie, Davy Brun laisse toute liberté à ses danseurs d'improviser. Mais ils doivent être capables de se souvenir des mouvements qu'ils ont faits alors qu'ils n'étaient pas dans un mouvement conscient et de les refaire. Davy Brun travaille beaucoup sur la mémoire du corps. La danse a cela d'intéressant qu'elle parle avec le corps. Le corps dit des choses et si la parole peut tromper, le corps, lui, ne ment pas. En regardant les danseurs improviser, exprimer librement leurs émotions dans une écriture de mouvements qui rend sensible la communication avec l'autre, dans l'échange, dans le regard qui va au plus profond du moi, dans les gestes déliés, dans l'abandon sur l'épaule de l'autre, ou dans l'élan traduit par le corps du partenaire qu'on traîne, on se demande comment ces danseurs peuvent refaire toute cette gestuelle qu'ils viennent d'improviser. Eh bien ! Le corps se souvient. De par la danse, les danseurs ont une conscience de leur corps dans l'espace.
Tout comme la beauté du monde, la beauté de la danse est dans la diversité. Christoffa permettra à six danseurs d'improviser pendant soixante minutes environ sur des oeuvres musicales du XVe siècle : des chants populaires espagnols, des madrigaux. C'est cette musique qui a initié le projet. Le déroulement de la chorégraphie suivra les paroles des chants qui dicteront le format des tableaux : pas de deux pour les duos qui sont nombreux, trios, solos pour les lamentos, les danseurs évolueront dans un espace scénique habillé de voiles de soie, symbolisant la face cachée de soi... et de l'autre. Un ballet aux multiples facettes au cours duquel les voiles tombent, dévoilant un inconnu en l'autre et peut être en nous... Découverte inattendue... mais peut être féconde et exaltante ?

à lire aussi

derniers articles publiés sur le Petit Bulletin dans la rubrique Scènes...

Mercredi 5 juillet 2023 Alerte orange au Puy-en-Velay du 17 au 23 juillet : des rafales venant des 4 coins du monde sont à prévoir. Veillez à vous munir d’appuis bien solides, vous (...)
Lundi 5 décembre 2022 Le premier fils, Dimitri, impétueux, sanguin et violent, est le rival de son père, entiché de la même femme que lui. Le second, Ivan, cynique intellectuel athée (...)
Mardi 6 septembre 2022 Une femme aimante et disponible, un mari charmant et brillant : que pourrait-il arriver à ce couple en apparence parfait ? C’est l’intrigue qui rythme (...)
Mardi 26 avril 2022 Plus on progresse, plus on se fait du mal et plus on se tue, à petit feu. Avec Bienvenue dans l’espèce humaine, Benoît (...)
Mardi 26 avril 2022 Et si la vie, ce n’était pas choisir à tout prix, mais au contraire construire un tout ? Et si l’art, ce (...)
Mardi 26 avril 2022 On évolue tous avec le temps. On grandit, on comprend, on change. Qu’en est-il de notre débarras ? Lieu de la cachette par (...)
Mardi 26 avril 2022 Gerard Watkins revisite le chef-d’œuvre shakespearien à travers le prisme des sixties : pantalons pattes (...)
Mardi 26 avril 2022 Hugo, 23 ans, étudiant en sciences humaines, oscille entre ses origines algériennes et françaises. Lorsque sa mère le (...)
Mardi 29 mars 2022 Par Sibylle Brunel. Quand les petites bêtises entrainent les grosses, il est difficile de prouver que l’on peut encore répondre à la norme. A-t-on seulement (...)
Mardi 29 mars 2022 Notre civilisation s’effondre, tous les scientifiques le disent. Oui mais alors… Que faire ? Vaste sujet, pourvu que l’on (...)
Mardi 29 mars 2022 Et si la décolonisation n’avait été qu’une succession d’échecs dont on voit et paie encore les pots (...)
Lundi 28 mars 2022 Par Sibylle Brunel La Compagnie Momus Group revisite de nouveau ses classiques en donnant cette fois-ci un coup de jeune à Shakespeare. Le (...)
Mardi 29 mars 2022 Par Sibylle Brunel. Fred Radix, dans son nouveau spectacle La Claque, invite à une plongée dans l’effervescence des théâtres du XIXème. Le chef de claque (...)
Lundi 14 mars 2022 Drissa a 11 ans. Drissa est un jeune garçon noir. Drissa veut un chien. Car Drissa voudrait être banal. Avoir la vie « des blonds », qu’il voit à (...)
Lundi 14 mars 2022 En adaptant Candide, Arnaud Meunier convoque une nouvelle fois un Grand Texte de la littérature française au profit d'un discours des plus contemporains
Mardi 1 mars 2022 Du coup de foudre au coup du destin. Se rencontrer, s’enticher, s’aimer, s’installer, puis vouloir donner la vie… Et ne pas pouvoir. Confrontés à cette (...)
Mardi 1 mars 2022 Mettre en mouvement pour interroger les engrenages, systèmes, et forces puissantes de notre société. Danser, pour questionner notre possibilité à nous en (...)
Mardi 1 mars 2022 Inspiré du roman Quelques jours dans la vie de Tomas Kusar d’Antoine Choplin, Václav​ et Tomas met en scène la dissidence, la résistance, le combat, le (...)
Mardi 1 mars 2022 Elle avait tout pour être heureuse, mais rien ne va se passer comme elle l'imaginait. Fougueuse, pleine d'envies, sortant du couvent à 17 ans avec une (...)
Mardi 1 mars 2022 « Pardonnez mon retard… On va tous mourir ». Parce que le tri sélectif risque de ne pas suffire, la fin de l’espèce humaine est peut-être (...)
Mercredi 2 février 2022  Après une première moitié de saison d’une densité inédite, les théâtres attaquent 2022 sans baisser de rythme. Les six mois à venir seront riches comme rarement de découvertes et de grandes figures pour se clore sur la venue d’Ariane...
Mardi 1 février 2022 « Les premières nuits, tu ne dors pas ». Et puis après… Ca devient ta vie, d’être dans la rue, tout le temps. Un matin, l’homme seul se réveille, et (...)
Mardi 1 février 2022 On va le dire d’emblée : il s’agit sans doute de l’un des spectacles les plus puissants qu’il sera possible de voir cette année. Une gifle ? (...)
Mardi 1 février 2022 Par ailleurs romancier et accessoirement guitariste-chanteur au sein de l’improbable groupe de « rock en marche » The Disruptives, (...)
Lundi 24 janvier 2022   « Au voleur ! Au voleur ! À l'assassin ! Au meurtrier ! Justice, juste Ciel ! Je suis perdu, je suis assassiné, on m'a coupé la gorge, on m'a dérobé mon (...)

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X