Rap / Georgio est un fer de lance de la nouvelle génération de rappeurs faisant briller tout ce qu'ils touchent. Avide de lecture et de musique mélancolique, le chanteur de 24 ans propose avec "Héra" un album de rap fort et profond.
Bleu Noir, votre album précédent, était beaucoup plus sombre que Héra. Est-ce le reflet de votre évolution ces dernières années ?
Oui, tout à fait. C'est une différence d'état d'esprit entre l'écriture de ces deux disques. J'aime rappeler que Bleu Noir, c'était moi, mais sans me correspondre entièrement dans le sens où c'était une petite partie de moi que j'avais énormément mise en avant. Je vous rassure, j'ai toujours été souriant, aimé faire des blagues, sortir, boire, vivre quoi... Avec Héra, j'ai voulu montrer une autre facette de moi parce que j'allais mieux tout simplement.
Et ce que le fait qu'on vous dise souvent que Bleu Noir est un disque plus sombre, ne vous ennuie pas à force...
Non, car Bleu Noir possède réellement cette caractéristique. Mais il incarne aussi l'espoir avec des titres tels que Rêveur ou Faut tenir. Cela dit, j'ai toujours aimé la musique plutôt mélancolique. Je n'ai aucun problème avec cela, ni à propos de la différence entre les deux albums. C'est justement parce que ma vie a changé et bougé que j'avais envie d'un disque plus lumineux. C'est également la raison pour laquelle je l'ai produit si rapidement. Tout était très logique dans cette composition.
J'ai toujours aimé la musique plutôt mélancolique.
Les thèmes que vous abordez dans Héra sont forts : prostitution, la condition de soldat, les femmes battues... Mais comment les travaillez-vous dans l'écriture ?
Je n'ai pas réellement d'idée sur la manière de les écrire a priori. Je ne me dis jamais : « tiens, je vais écrire sur ce sujet-là ». Lorsque je commence à écrire, c'est une première phrase qui vient et amène une idée. Comme cela part d'un début d'idée ou d'une image que j'ai en tête, ce sont des choses sur lesquelles je me suis déjà renseignées, que j'ai déjà vues ou sur lesquelles j'ai eu des discussions profondes. Parfois il me manque des petits éléments pour être sûr d'être bien dans le réel. Du coup, je me documente. Par exemple, pour Svetlana & Maïakovski, qui traite de la prostitution, il y a une référence géographique que j'ai cherchée en cherchant dans toute la Russie, avec les noms de lacs, de villages...
Pourquoi avoir choisi le nom d'Héra ?
J'ai trouvé que le morceau Héra représentait bien l'album ainsi que les énergies et le discours qu'il véhicule. Il possède un côté mystérieux qui colle bien à ce disque. J'ai écrit cette chanson en revenant d'Athènes, pour une personne. Mais ce titre représente plus qu'une chanson d'amour, c'est un hymne à la vie, au fait de ne pas avoir peur d'aimer, de voyager et de se confronter à d'autres réalités. Plutôt que de mettre un prénom "humain", j'ai pensé aux divinités grecques afin de glorifier tout ce que cela m'avait apporté, tout en donnant un côté fantastique. Je me suis renseigné et je suis tombé sur Héra, déesse de la fécondité et du mariage. J'ai beaucoup aimé et c'est resté.
Vous vous êtes rapproché d'Angelo Foley (producteur de Christine and The Queen notamment) pour réaliser cet album. Pour quelle raison ?
C'est vraiment pour apporter un côté analogique à ma musique. J'avais entendu le morceau L'heure des poètes qu'il avait écrit pour Grand Corps Malade. Ce titre est un breakbeat hyper-old school, encore plus old school que mes propres références qui le sont déjà beaucoup (rires). Il est allé jusqu'à intégrer des violons dans ce titre et j'ai trouvé le rendu très beau et élégant. Je voulais aller dans un mélange de ce type. Nous nous sommes rencontrés et cela a fonctionné immédiatement. Il a donné la touche organique qui manquait à mes morceaux.
Georgio [+ End of the Weak], samedi 16 décembre à 20h30, au FIL