Nocturne est plus électronique que vos précédents albums, était-ce une volonté de départ ?
Lionel Vancauwenberghe de Girls In Hawaii : Oui, nous souhaitions ajouter de l'électronique dans l'habillage de nos titres. Nous avions déjà touché à cela auparavant avec Luuk Cox, notre producteur. Nous sommes des enfants des années 80. Pendant toute notre jeunesse, nous avons entendu les Depeche Mode, Jacno, Kraftwerk... C'est une période à laquelle nous nous référons beaucoup dans notre sonorité et donc, ce côté plus électronique en est issu. Dans les années 90, nous étions en totale rupture avec cette décennie 80, nous étions très guitare, grunge... Nous en sommes revenus. C'est assez drôle que Nocturne soit, en quelque sorte, notre pacte de paix avec cette époque.
Dans une interview, vous expliquiez que « plus vous aviez abordé cet album de manière froide, plus l'émotion revenait de manière différente »...
Avec le décès de notre batteur en 2010 et les années qui ont suivi, nous avons décidé de "débrancher" pour ce nouvel album. Nous l'avons abordé sans émotion alors qu'elle fait d'habitude partie intégrante de notre travail. C'est aussi une des raisons de l'utilisation de l'électronique et de synthétiseurs, pour avoir un côté immédiat, froid, sans but. Nous nous sommes rendus compte qu'en plaquant nos voix sur ces compositions, cela les mettait davantage en avant. Étant donné que la structure musicale gagne en précision avec ce type d'instruments, la fragilité de nos voix ressort de manière plus perceptible. Du coup, nous avons mixé les voix très fort, beaucoup plus que sur les derniers disques. Il y a vraiment ce contraste dans cet album.
Avec Antoine Wielemans, l'autre compositeur du groupe, il paraît que vous vous êtes fixés comme contrainte de ne pas travailler les maquettes plus de 48 heures...
Oui, tout à fait. C'était même parfois 24 heures ! Je travaillais en Islande pendant la composition et Antoine, lui, était resté à Bruxelles. Du coup, nous échangions par Skype et nous nous lancions des défis de création en une journée. Nous avons entassé les compositions "brouillonnes" puis nous nous sommes retrouvés en studio d'une manière "très vierge". Au final, cela était beaucoup plus marrant.
Vous avez également pratiqué l'hypnose pour stimuler votre travail de composition ?
Oui, tout à fait. Comme je le disais, nous voulions avancer dans le disque sans vraiment réfléchir. L'hypnose fut un chouette hasard, un truc très personnel. Antoine et moi, sans nous consulter, nous avons pratiqué l'hypnose chacun de notre côté. Symboliquement, nous aimons dire que cela nous a permis d'ouvrir "notre grande boîte" et de la vider. Cela a servi de thèmes à plusieurs titres de l'album. Nous avons également appelé le disque Nocturne en référence à cela, car il évoque le rêve et tout ce qu'il fait ressortir. Mais cela reste un peu anecdotique car nous n'avons pas continué très longtemps.
Dans cet album, il y a des titres où vous abordez des sujets plus sociétaux qu'auparavant. Pour quelles raisons ?
Depuis le début du groupe, nous étions un peu auto-centrés, avec un côté "carnet d'ados". Nous en avions un peu marre. Nous souhaitions parler de ce qui se passe autour de nous, de parler en "tu", en "ils" et de sortir du "je". Petit à petit, tu te rends compte que tu observes davantage. De plus, les dernières années ont été assez dramatiques. Nous voulions évoquer ce côté apocalyptique, les migrants, ces grands flux, ce grand nombre de morts... Mais cela reste un peu complexe de travailler ces thèmes avec notre style pop. Cela donne des chansons telles que Blue Shape. Elle évoque l'émotion suscitée par l'histoire d'Aylan, ce petit Syrien de 3 ans, retrouvé mort sur une plage turque... Mais la crise est tellement énorme que nous sommes incapables de faire plus que cela.
Le fait d'aller en Islande 3 mois tous les 2 ans a changé quelque chose dans votre travail ?
Oui, clairement. Cela m'influence pour le côté "retraite". C'est un pays très calme, qui flatte le côté contemplatif de mon travail. On a moins les pieds sur terre dans ce genre d'environnement.
Il sort de très nombreux artistes de rap ces derniers temps de Belgique tels que Damso, Caballero & JeanJass, Romeo Elvis... Est-il encore aisé de faire du rock en Belgique ?
Il n'est malheureusement pas facile de faire du rock nulle part tout simplement... (rires) En 2017, les gens écoutent majoritairement du hip hop, style que j'adore aussi. Il suffit de regarder les tops dans les magazines tels que les Inrocks ou Pitchfork pour s'en rendre compte. En Belgique, il y a encore beaucoup de groupes pop-rock très intéressants. On peut citer The Brains ou Robbing Millions... Mais il y a simplement moins de focus médiatiques sur eux.
Girls in Hawaii [+ Voyou], vendredi 9 mars à 20h30 au FIL à Saint-Étienne