Les impasses du pass culture

Le pass culture, proposé par le candidat Macron, risque de manquer sa cible à l’heure d’entrer en vigueur. Destiné à éveiller les jeunes adultes à la culture, imaginé pour permettre à une bonne part d’entre eux de découvrir un univers qui leur demeure, il pourrait se révéler insuffisant s’il n’était pas largement complété par des dispositifs moins centralisés et davantage digitalisés.

Le candidat l’avait promis, le président Macron prétend mettre en œuvre le pass culture, un dispositif destiné à rapprocher les jeunes de la culture. L’intention est difficilement contestable : offrir aux jeunes, lorsqu’ils fêtent leurs 18 ans, l’équivalent d’un bon d’achat de 500 euros pour accéder à toute la palette de l’offre culturelle. Plusieurs villes ou agglomérations avaient déjà imaginé un tel dispositif, en offrant à leurs adolescents ou jeunes adultes des chèques culture. La Métropole de Lyon propose depuis près de 20 ans déjà ce genre de dispositif, avec lequel les étudiants peuvent assister à quatre événements culturels durant une saison.

A ce titre, le Petit Bulletin a été l’un des rares médias à donner la parole aux principaux intéressés, dans un article dont les verbatims montre une palette très large de réactions différentes.

Une équation à plusieurs inconnues

Mais le pass du ministère de la Culture, avec sa visée unilatérale, risque de rater son objectif principal : favoriser l’accès à la culture des jeunes qui en sont d’ordinaire exclus. Et pour commencer, les critères permettant de définir ce qu’est « un bien culturel » feront forcément débat. Qui est en effet légitime pour décider qu’une pièce de théâtre classique est un bien culturel ou qu’un concert de hard rock ne l’est pas ? Qui pourra déterminer qu’un dessin animé n’a pas de valeur culturelle quand un roman de gare sera jugé recevable ?

Delphine Granier, du think tank Génération Libre, s’est dressée dans une longue tribune pour Challenges sur les risques évidents d’une “labellisation” de la culture. Et contre ses effets pernicieux immédiats. On peut difficilement imaginer que l’intérêt des jeunes pour la culture puisse être décrété avec un bon d’achat, ou au moyen de critères définis par les membres d’un cabinet ministériel. Et au-delà du casse-tête évident de la définition des critères, l’expérience menée en Italie au cours des dernières années a montré les limites du dispositif. Avec des détournements des chèques cultures, certains étant cédés à moitié prix, ou utilisés par des étudiants pour acquérir des livres de cours... Sans compter que les jeunes adultes les plus rétifs à la culture n’ont pas davantage d’appétence pour ce domaine avec ce pass entre les mains.

Vers une culture plus en phase avec le numérique?

Face au décalage, souvent réel et parfois fantasmé, entre jeunes et culture, l’appétit des premiers pour la seconde ne pourra naître que d’initiatives variées, en lien avec l’évolution des supports, et en tenant compte de l’omniprésence du numérique. Parce que la culture ne se dévoile plus uniquement derrière le rideau d’un théâtre ou dans les allées d’un musée, plusieurs start up ont d’ailleurs repensé son accès par le biais du digital. Le Prix Audiens de l’initiative numérique, qui fait la promotion des projets numériques en soutien de la culture a ainsi été décerné en 2017 à Opsis TV, une plateforme de théâtre en ligne. Pour 6 euros mensuels, ses abonnés peuvent visionner les pièces de théâtre de leur choix, sur ordinateurs, tablettes ou encore mobiles. De quoi inévitablement rapprocher les plus connectés de l’univers de la scène. L’an dernier, ce même groupe (en réalité un groupe de protection sociale dédié au monde de la culture, de la communication et des médias) avait déjà récompensé Delight, une plateforme marketing destinée aux producteurs de spectacles vivants (théâtre, danse…). Objectif : leur permettre de mieux connaître leurs publics, et donc de mieux cibler leurs campagnes de marketing pour parvenir à augmenter la fréquentation des salles et leurs recettes.

Ces deux initiatives illustrent la nécessité de repenser l’accès à la culture en termes moderne et pas seulement en l’abordant par l’aspect financier. Eric Breux, directeur du Pôle Entreprises et Institutions d’Audiens souligne d’ailleurs le formidable impact du numérique sur le développement de la culture. Il rappelle que le numérique parvient à faire sortir le spectacle vivant des salles où il est habituellement cantonné, alors que dans le même mouvement, les spectateurs peuvent voir exploser l’offre culturelle via leurs écrans.

Dans ce contexte, le pass culture du gouvernement apparaît comme un instrument un peu trop poussiéreux et hypercentralisé. Un pass bien loin des adolescents et des jeunes adultes qu’il convient de toucher avant tout avec les supports qu’ils utilisent, au premier rang desquels Snapchat (8 millions d’utilisateurs en France dont les deux tiers ont moins de 25 ans). Ce pass culture pourrait donc ressembler à une impasse s’il n’était pas enrichi d’initiatives plus adaptées, mieux ciblées et - osera-t-on le dire ? - moderne.

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