Rachel Cisinski : « Ce qui comptait, c'était de ne pas tomber dans le misérabilisme »

Publié Vendredi 22 août 2025

Entretien / Avec I am the future, Rachel Cisinski et Romain Mailliu signent un film hybride, entre documentaire et fiction, qui suit le parcours de quatre jeunes adultes accompagnés par l'ONG Life project 4 youth (LP4Y). Fondée en 2009, cette organisation agit dans une vingtaine de pays pour l'insertion de jeunes issus de situations d'extrême pauvreté. Le film donne à voir les récits de Mamadou Diallo (originaire de Guinée et installé en France), Dian Safitri (Indonésie), Laxmi Chauhan (Inde) et Soumayraa Samir Hmouda (Liban), en les reliant à des enjeux contemporains : climat, égalité des genres, migrations.

Photo : I am the future © Wayna Pitch

Le Petit Bulletin : Le projet documentaire est né d'une collaboration entre vous, Romain Mailliu et LP4Y. Pourquoi avoir voulu porter ces voix à l'écran ?

Rachel Cisinski : Dès que je me suis engagée dans l'association, je me suis dit qu'il fallait en faire un film. J'avais fait des études de cinéma, et ça m'a semblé évident que ce médium permettait de porter ces voix plus loin, de manière directe et totale. Mais il n'était pas question de faire un documentaire classique. Avec Romain, qui était chef de projet sur le documentaire, on voulait construire une forme plus libre, qui soit un film avec les jeunes et pas seulement sur eux. D'où ce mélange entre documentaire et fiction : tout est réel, dans des situations qu'ils vivent, mais raconté d'une manière qui leur permettait de s'exprimer librement.

Rachel Cisinski DR

LPB : Chaque protagoniste s'exprime à travers une discipline artistique - dessin, écriture, photographie, danse. Quelle est l'importance de ces formes dans le film ?

RC : Chaque jeune a une fibre artistique, et il était essentiel que le film reflète cela. Mamadou écrit son propre scénario à Paris, inspiré de son expérience de migrant. Dian utilise le dessin pour raconter l'évolution de son quartier à Jakarta. Laxmi crée une comédie musicale à Delhi pour exprimer ses rêves et ses combats. Soumayraa photographie les femmes de sa communauté au Liban pour donner une visibilité à leurs histoires. Ces pratiques constituent le moteur de leur expression, et permettent de transmettre leurs points de vue de manière singulière et incarnée.

LPB : Le film croise leurs récits intimes et des enjeux plus larges - climat, égalité des genres, migrations. Comment avez-vous trouvé cet équilibre ?

RC : Nous avions défini dès le départ quelques thématiques, mais toujours en lien avec les contextes : en Indonésie, l'écologie et l'appropriation du territoire ; en Inde, l'émancipation des femmes ; au Liban, la question migratoire ; en France, l'insertion. Les quatre jeunes choisis avaient chacun l'envie et le talent pour porter ces histoires, et ensemble ils ont dessiné un panorama de réalités différentes. Mais ce qui comptait, c'était de ne pas tomber dans le misérabilisme. Ce film ne dit pas « regardez ces jeunes qui souffrent », il montre leur force, leur créativité, leur capacité à inventer. Il ne faut pas s'intéresser à eux par charité, mais parce qu'ils sont passionnants et qu'ils ont des choses à raconter.

Avant première en présence de l'équipe du film 
Mardi 9 septembre 2025 à 18h45 au cinéma Bellecour Lumière (Lyon 2e) ; de 5 à 9, 80 €