de Christine Carrière (Fr, 1h33) avec Marina Foïs, Guillaume Canet...
On garde des deux premiers films (Rosine et Qui plume la lune ?) de Christine Carrière quelques souvenirs favorables, quoique lointains. On est donc tombé de haut en découvrant Darling. Grande est la tentation de faire porter le chapeau à Jean Teulé, auteur du roman d'origine et donc coupable des insupportables dialogues du film. Mais en y repensant, c'est plus complexe que ça. Carrière a voulu faire une comédie noire sur une femme battue : casse-gueule, mais pas condamnable. Le problème qui se pose très vite est que si la noirceur est effectivement omniprésente, la réalisatrice n'a aucune affinité avec la comédie, et tous les "gags" et "répliques" du film tombent à l'eau en ne provoquant qu'une gêne grandissante. Car il y a quelque chose d'obscène à mettre en permanence des mots d'auteur parisien dans la bouche de cette France populaire, ou pour le dire mieux, à montrer sans arrêt comme on sait bien parler cette langue que "eux" parlent si mal. Distance surplombante et destructrice qui se retrouve dans les performances des acteurs, surjouant l'idiotie naïve (pour Marina Foïs) ou le camionneur beauf (pour Guillaume Canet). Plus les choses avancent, plus le film devient glauque, voyeur et irresponsable, tant on ne peut imaginer deux secondes d'empathie réelle et sincère des auteurs pour ces monstres-là, fruit fantasmé de la réécriture délirante d'un fait-divers réel ; de toute façon, si Darling est correctement réalisé, il n'est jamais mis en scène, et à aucun instant on ne comprend de quel point de vue filme Christine Carrière. Pour ne citer que deux exemples récents prouvant que c'est bien ce regard-là qui change tout, rappelons que Nicolas Philibert dans Retour en Normandie a su rendre sa noblesse et son intelligence à ce bout de France rurale, tandis que Lee Chang-Dong nous a bouleversé dans Secret sunshine en filmant sur la corde raide le calvaire d'une femme bien pire encore que celui de Darling.CC
