Sur un nuage

Fierté locale / En recevant le très prestigieux prix de littérature jeunesse Astrid Lindgren, l’auteur ligérien Jean-Claude Mourlevat vient de décrocher le Graal et la timbale du même coup. Une magnifique reconnaissance qui vient couronner l’œuvre de cet homme prolifique qui cultive pour autant la simplicité et la discrétion. Réaction.

Vos nombreux romans ont été salués par près d’une centaine de prix. Avez-vous conscience qu’en recevant l’ALMA (Astrid Lindgren Memorial Award), vous jouez aujourd’hui dans la cour des très grands ?

C’est en effet une vraie dinguerie qui m’arrive là ! En matière de littérature jeunesse il y a des prix de toutes sortes, mais au niveau international il n’y en a que deux. J’avais raté de très peu le prix danois Hans-Christian-Andersen et j’étais dans la shortlist de l’ALMA depuis une dizaine d’années, je m’étais donc fait une raison, me disant que ma chance était sans doute passée. Cette année, nous étions 262 nominés issus de 68 pays. Ma stupéfaction n’en a été que plus grande lorsque j’ai appris la bonne nouvelle !

Comment avez-vous été prévenu et quand allez-vous recevoir votre trophée ?

Pour dire la vérité, j’avais complètement oublié le jour de la proclamation du palmarès ! J’étais à un enterrement dans mon petit village familial, Job, près d’Ambert où je suis né. Je venais de perdre ma tante, qui était également ma marraine, une personne que j’aimais vraiment beaucoup. C’est lorsque j’ai checké mes mails au retour du cimetière, que j’ai compris que mon éditeur, Gallimard, me pressait de rappeler les gens du prix Astrid Lindgren qui cherchaient désespérément à me joindre ! J’ai donc eu la présidente du jury qui, en anglais au bout du fil, m’a annoncé que j’étais le lauréat de l’Astrid Lindgren Memorial Award 2021. J’ai fébrilement répondu deux ou trois choses dont I can’t believe it, mais en bon français j’étais littéralement scié ! La remise du prix prévue pour le 31 mai se fera malheureusement en distanciel, avec Baek Heena, la lauréate sud-coréenne de l’édition 2020. Je n’aurai donc pas l’occasion d’aller faire la bise à la Princesse de Suède comme l’ont fait mes prédécesseurs. Mais ce petit séjour dans la capitale suédoise n’est que partie remise. Je serai sans doute invité à la Stockholm Book Fair qui se tiendra en septembre prochain.

Le ministère de la Culture s’est fendu d’un communiqué vous félicitant au nom de Roselyne Bachelot. À quelles retombées vous attendez-vous ?

L’effervescence a débuté dès l’annonce du prix, pas mal de médias suédois, allemands et bien sûr français se sont manifestés très tôt, certains voulant des choses tout de suite et très très vite. Le téléphone sonnant en continu toute la journée, j’ai dû finir par l’éteindre car je ne pouvais plus rien faire du tout ! Certains vont simplement chercher des infos sur internet au risque d’écrire des bêtises, m’attribuant par exemple l’écriture d’un nouveau roman qui n’existe pas, qui n’est en fait qu’un texte de deux pages écrit gracieusement pour une association ! Mais comme c’est écrit sur Wikipédia, bien entendu l’info est reprise, c’est un vrai gag ! En ce moment je multiplie les interviews pour les médias nationaux qui souhaitent aller un peu plus en profondeur. Localement, c’est curieusement beaucoup plus calme, alors que je suis installé à Saint-Just Saint-Rambert depuis vingt-six ans. Mais si les médias ligériens n’ont pour l’instant presque pas réagi, dans ma région natale les journaux locaux se sont en revanche assez vite emballés, évoquant le natif, l'Ambertois, le Puydômois, titrant sur le couronnement d’un Auvergnat ou encore la reconnaissance planétaire pour la littérature auvergnate. Ils sont au taquet, c’est drôle !

L’effervescence a débuté dès l’annonce du prix, pas mal de médias suédois, allemands et bien sûr français se sont manifestés très tôt, certains voulant des choses tout de suite et très très vite. Le téléphone sonnant en continu toute la journée, j’ai dû finir par l’éteindre car je ne pouvais plus rien faire du tout !

Vous êtes largement traduit dans le monde entier, du Brésil au Japon. Qu’en est-il de la Suède ?

Mes romans ont été traduits jusqu’à aujourd’hui dans 29 langues, c’est une grande fierté. Et je viens d’être contacté par une traductrice suédoise pour me féliciter et m’avouer qu’elle avait traduit plusieurs de mes romans pour le jury du prix Astrid Lindgren, lequel lisait jusque-là mes livres dans leur version anglaise. Je vais donc certainement être publié en suédois et atteindre ainsi la trentaine de langues dans lesquelles on peut lire mes écrits.

Et après ? Cette reconnaissance internationale va-t-elle changer quelque chose pour vous ? Vous attendez-vous par exemple à de nouvelles sollicitations de la part des maisons d’édition ?

Même si toute cette agitation fait forcément plaisir sur le moment, je compte bien rester tranquille dans mon coin. De toute façon, il est clair que cette fois-ci je ne pourrai pas gagner de prix plus prestigieux, je n’aurai rien de plus, ça n’existe pas ! Le plus important c’est qu’il me reste encore des romans à écrire. Mes éditeurs parisiens, Gallimard et Fleuve, me traitent bien. Je n’ai pas l’intention de changer quoi que ce soit, je vais rester bien calé comme ça et mon objectif reste le même, essayer d’écrire des bons bouquins, cela me suffit tout à fait. Actuellement je suis en train de boucler la suite de Jefferson, mon dernier roman jeunesse.

Même si toute cette agitation fait forcément plaisir sur le moment, je compte bien rester tranquille dans mon coin.

L’ALMA s’accompagne de la coquette somme de 550 000 euros, on vous imagine davantage construire une maison dans les arbres plutôt que de craquer sur une voiture de sport…

Je pense en effet que l’on va se faire un petit plaisir familial, pourquoi pas trouver un petit pied-à-terre à Paris, qui pourrait aussi profiter aux amis, aux proches… Mais une fois la récompense dépensée, on pourra tout à fait continuer à vivre comme avant et c’est très bien comme ça.

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