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Les Beaux Gosses

Une comédie sur des ados moyens, dans un espace-temps insituable, se jouant des codes du réalisme avec un humour franchement incorrect : le premier film de Riad Sattouf est un pur bonheur. Christophe Chabert

Pour donner le ton de cette teen comédie à la française écrite et réalisée par l’auteur de l’immortelle BD Pascal Brutal, il est bon d’en livrer un petit extrait. Hervé, ado complexé et maladroit, est avec son père en voiture (le reste du film, il vit seul dans une HLM triste à pleurer avec sa mère, une harpie obsédée par la vie sexuelle de son fils, notamment son penchant masturbatoire). Il l’interroge sur son prénom : «— C’est toi ou maman qui m’avez appelé Hervé ? — C’est moi. — Pourquoi ? C’est pourri comme prénom… — Ouais, mais c’est à cause de ta grand-mère, elle est morte juste avant ta naissance, et comme elle était fan d’Hervé Villard… Sinon, on t’aurait appelé Yannick, comme Yannick Noah…». Voilà le genre de dialogues qui parsèment Les Beaux Gosses ; il en dit long sur le talent de Sattouf pour imprégner son histoire de notations arrachées à même la viande de la culture populaire française puis transformer en humour sophistiqué et ravageur.

Bienvenue dans l’âge ingrat

Les Beaux Gosses s’intéresse donc à une poignée d’ados ingrats, stéréotypés et immédiatement attachants : le geek zozotant, l’arabe fan de heavy metal, le timide efféminé… Tous puceaux, tous obsédés et tous profondément inaptes à saisir le désir d’en face, même quand celui-ci est gros comme le nez au milieu d’une figure acnéique. Ce désastre hormonal devient cependant une énergie conquérante et jamais jugée par le cinéaste. Qu’ils se déploient à travers le catalogue de La Redoute, une fausse vidéo porno avec une MILF sexy et dominatrice, un jeu de rôle miteux ou une invocation de l’esprit d’Adolf Hitler (scène hallucinante !), les fantasmes débridés de ces ados intemporels conduisent à une série de vignettes hilarantes. C’est la petite limite du film : son côté collage de sketchs en lieu et place d’un scénario vraiment charpenté. Mais Sattouf a su créer un monde à mi-chemin entre le réel et la fantaisie pure qui assure génialement le liant. L’image (un peu sale, signée Dominique Collin, qui avait déjà fait le coup avec Seul contre tous de Gaspar Noé), la musique (une techno bricolée à la Mr Oizo) et les décors (une France urbaine et sans charme) participent de cette singularité qui donne au film un vrai style, tendance brut et crade. Sans oublier des seconds rôles réussis (Lvovsky en mère abusive, Devos en proviseur pas si coincée que ça…), des touches de noirceur démentes (le suicide du prof), et un fourmillement de détails qui nécessitent plusieurs visions pour les saisir tous. Les Beaux Gosses, c’est déjà la comédie de l’été 2009 !

Les Beaux Gosses
De Riad Sattouf (Fr, 1h30) avec Vincent Lacoste, Anthony Sonigo…

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